Avis d'expert : Assurance, comment passer à l'Entreprise Digitale ?
Dans le monde de l’assurance, soumis à de fortes contraintes et plutôt traditionnel dans son approche IT, passer directement à l’Entreprise Digitale est une urgence aussi bien pour la DSI que pour les métiers. Phase ultime de l’évolution IT depuis 30 ans, l’Entreprise Digitale est ouverte, s’appuie sur l’héritage et est architecturée de façon souple en lien avec le social, le mobile ou le Cloud. C’est un challenge pour le secteur, mais aussi une opportunité à saisir pour (re)prendre de l’avance... Comment procéder ?
L’assurance et la protection sociale sont un peu singulière dans la domaine IT. De nombreux autres secteurs ont déjà évolué, rapidement pour certain, en franchissant à pas forcés et une à une toutes les étapes depuis les mainframes jusqu’au web 2.0, via le client-serveur, Windows, Java ou .Net, pour aujourd’hui intégrer toutes sortes de fonctionnalités comme le multicanal, le Cloud ou le mode SaaS. Les assureurs, eux, connaissent une situation quelque peu figée, due notamment au poids du Legacy. Parmi l’héritage technologique, la « vieille » architecture mainframe rend parfois difficiles l’adaptation et l’innovation.
Il est temps de changer les choses : les technologies génèrent de nouveaux comportements et besoins chez les clients, et il faut assurer la convergence entre des mutations profondes de la société (évolution de générations ou d’usages) et l’évolution exponentielle des capacités IT (Big Data ou objets connectés). Mais pas n’importe comment...
Sauter une génération IT
La solution, c’est l’entreprise digitale. Le moment est venu de sauter une génération IT en allant directement à la case « architecture digitale », ouverte, souple, en lien avec le social, la mobilité, le Cloud... et qui s’appuie sur l’héritage. Car le Legacy, avec notamment les fameux mainframes, peut être un atout solide pour les métiers et l’industrialisation des process. Et parce que contrairement au discours ambiant, le digital n’est pas une « révolution » mais bien une « évolution », exponentielle, qui peut être rapide mais reste continue. La cohabitation entre systèmes existants et nouvelles fonctionnalités est indispensable, et les fondamentaux doivent être bien compris pour anticiper l’avenir. A fortiori dans l’assurance.
Des enjeux digitaux propres à l'assurance
Dans ce contexte, les nouveaux enjeux digitaux doivent s’adapter au secteur. Certes, comme dans l’industrie, le e-commerce ou les télécoms, l’assurance doit de plus en plus être visible, développer des services à l’usage, la contextualisation et la personnalisation. Mais si pour un opérateur télécom la mise sur le marché ou le retrait d’un produit est rapide, l’assureur, lui, prend un engagement sur la durée qui peut être d’une à plusieurs années. La prise de risque est forte !
De plus, l’explosion des données pose des questions de sécurité et de confidentialité particulières : l’assureur dispose en effet de données sensibles (santé, situation familiale) et peut faire face à des réticences sociétales. Il est astreint à un cadre réglementaire important, qui évolue et impose des modifications parfois drastiques dans la logique de fonctionnement, comme avec l’arrivée de la gestion des contrats collectifs et plus uniquement individuels par exemple.
Résultat : la gestion et l’analyse de la donnée sont un véritable casse- tête, et l’informatique ne peut pas être un frein supplémentaire. Enfin, l’assureur, et encore plus l’organisme de protection sociale, s’adresse à la famille dans son ensemble et à tous les âges. La personnalisation n’est pas un « gadget » mais une réelle nécessité.
L’objet connecté, par exemple, n’est pas une mode, mais un vrai besoin pour l’assistance ou le suivi de personnes dépendantes, handicapées, ou des enfants... La solution est bien dans cette nouvelle DSI, basée sur le paradigme de l’Entreprise Digitale et franchissant directement des étapes pour créer une architecture « digital ready » apte à répondre aux besoins du moment et, en même temps, à aborder les évolutions attendues demain.
Conseils pour une architecture « digital ready »
La chance, pour les assureurs et les organismes de protection sociale n’ayant pas fait le saut du web 2.0, c’est que l’entreprise n'est pas paralysée par un système à peine implémenté et déjà obsolète. Elle a pu consolider son socle de services de support (production et distribution) sur lequel elle peut et doit capitaliser (via le Legacy). Concrètement, il faut d’abord considérer que le digital introduit des changements majeurs de paradigme pour métiers et DSI. Ainsi, la transformation ne doit pas être appréhendée en mode « Big Bang » mais s’appuyer sur les systèmes existants. Elle doit reposer sur une transformation de l’IT, des métiers et des pratiques. Et elle doit permettre de conjuguer innovation et industrialisation.
Quel modèle
Différents modèles d’architecture ont été posés au fil du temps pour répondre à des besoins spécifiques, tels que les Process Driven Architecture, Service Oriented Architecture, Data Driven Architecture... Et de nouveaux apparaissent comme les Lean Architecture, User eXperience Centric ou Social. Il ne faut pas raisonner de manière exclusive pour poser un seul et unique mode d’architecture, mais en associer plusieurs, si nécessaire, en choisissant le plus adapté au besoin.
Une architecture cohérente
Elle s’appuiera donc sur des architectures et des frameworks spécialisés. On capitalisera sur l’existant en le rendant plus modulaire et orienté vers les services. Il faudra bien identifier les données et les services à diffuser auprès des partenaires ou à exploiter, et surtout décloisonner les données par l’ajout de mécanismes d’accès ou de stockage transverses.
Enfin, il sera nécessaire de construire un socle robuste de services et de gestion de processus, de proposer un accès simple et maîtrisé aux données et services, de rendre les processus flexibles et à forte valeur ajoutée, et cela dans un écosystème cybersécurisé.
Par Yannick Delavière,
responsable offre digitale, marché assurance & protection sociale chez Sopra Steria
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