Déréférencement des UC : Les assureurs vie jouent discrètement le jeu
Rappelés à l’ordre par l’ACPR fin 2022 au sujet des frais excessifs appliqués en assurance vie, les acteurs du secteur ont répondu à l’appel. Axa, BNP Paribas Cardif ou encore Société Générale Assurances ont fait le tri, mais restent discrets quant à leur communication.
Dans le monde de l’assurance, il y a des dossiers classés secret défense. Parmi cette catégorie figure – entre autres – le déréférencement des unités de compte (UC) distribuées sur le marché français.
À la demande de l’ACPR, les assureurs vie ont, tout au long de l’année 2023, été conviés à faire le tri dans leurs palettes d’investissement au nom de la value for money (bons rapports entre les coûts et les services rendus, ndlr). L’idée est de garantir un lien explicite entre le rendement offert par un produit et le niveau des frais dépensé par l’épargnant. Aussi, à chaque souscription, il relève du devoir de chaque organisme d’analyser les caractéristiques et les performances des UC afin d’en évaluer leur pertinence, clé de leur commercialisation.
Quartier libre
Dans un document rédigé par France Assureurs, la fédération appelait ses membres à « examiner la performance des UC dont les frais dépassent un certain seuil – par exemple 33% – par rapport à la moyenne des UC de même catégorie ». Un seuil auparavant suggéré à 50%.
Seule ombre au tableau, cette méthodologie n’est pas contraignante. Corollaire à ce caractère laxiste, elle ne prévoit pas non plus de revue publique de la part de chaque assureur. De quoi laisser quartier libre aux acteurs. « Lorsque nous avons eu des retours, la plupart était très succincts », regrette Guillaume Prache, président de la Faider, l'une des grandes fédérations d'associations d'épargnants en France.
Malgré ce constat, les assureurs vie semblent avoir montré patte blanche. À commencer par BNP Paribas Cardif. Le bancassureur a déréférencé 41 unités de compte jugées trop chères par rapport à la performance réalisée répondant ainsi aux critères de la méthodologie mise en place.
Une centaine d'UC chez Axa France
De son côté, Axa France aura balayé 8,5% des unités de compte, représentant moins de 6% de ses encours d’ici au 31 mars 2024. Au niveau des supports grand public, « seuls 2,8% des unités de compte sont éligibles au déréférencement », détaille le premier assureur français. Cela correspondrait à « une centaine d’unités de compte, dont toutes celles qui représentaient moins de 100.000 euros d’encours », ajoute une source interne.
Chez les grands comptes (wealth management), le nombre d’unités de compte éligibles au déréférencement est plus important, « supérieur à 20%, compte tenu du volume plus élevé d’unités de compte référencées au sein de cette branche d’activité », explique Axa France.
Pour faire son tri, le géant de l’assurance tricolore a mis en place un outil de comparaison des unités de compte sur deux axes. L’un sur le couple frais/performance, l’autre sur le faible niveau d’encours. Ce dernier critère serait « sur-utilisé par les assureurs pour se simplifier la vie », indique une source.
Parmi les autres bancassureurs à faire le tri dans leurs unités de compte figure Société Générale Assurances. Après avoir mené deux revues qui ont déterminé les décisions de conservation ou non d’un certain nombre d’unités de compte, l’entité a exclu 20% de ses supports en 2023, soit 10% d’UC par vague. Un tri qui concerne principalement des supports à très faible encours. Interrogé sur le nombre d’unités de compte déréférencées en valeur absolue, le groupe n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet. Selon un interlocuteur, il s’agirait « du secret le mieux gardé en interne ».
Au global, 10% de l’ensemble des unités de compte proposées sur le marché français seraient concernées par ce déréférencement, a détaillé un expert de la place.
Bruxelles sur le coup
Pour l’ACPR, rien ne presse pour le moment. « La revue de l’application du dispositif adopté en juin par la profession visant à assurer une meilleure corrélation entre les frais et les performances des unités de compte commence en ce début d’année. Il s’agit d’un travail au long cours qui se poursuivra toute une partie de l’année 2024 et dont les résultats s’inscriront plus largement dans la stratégie d’investissement de détail (RIS) lancée par la Commission européenne », a indiqué le régulateur à News Assurances Pro.
Le sujet des frais en assurance vie figure, en effet, à l’ordre du jour à Bruxelles. La Commission européenne souhaite permettre aux épargnants de comparer les contrats d’assurance vie pays par pays à l’aide d’un benchmark. C’est sans compter sur le soutien de Florence Lustman, présidente de France Assureurs. C’est sans compter non plus sur l’eurodéputée Stéphanie Yon-Courtin. L’élue de la liste « Renaissance » a, dans un rapport, indiqué vouloir faire « table rase de ce qui figurait dans le texte de la Commission afin de travailler ensemble sur quelque chose de plus abouti ». Les négociations continuent.
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