Comment les assureurs du risque politique évaluent l’incidence des périodes électorales sur les contrats à l’export et sur les investisseurs à l’étranger ?
La campagne électorale pour les présidentielles aux Etats-Unis vient de s’achever avec la victoire de Barack OBAMA. Quelles seront les conséquences de cette élection sur le plan politique et économique ? Le Président reconduit pour un dernier mandat va- t-il modifier ses orientations économiques ou sa politique étrangère ?
Cette question, les assureurs du risque politique se la posent en permanence et avec de plus en plus d’acuité dans le cadre de leur analyse du risque pays. Tous les pays n’ont pas des processus démocratique rodés permettant des transitions faciles entre ancien et nouvel élu comme cela été le cas en France cette année. Comme l’ont prouvé les événements récents au Moyen Orient, en Afrique sub-saharienne et même à l’est de l’Europe, la tenue d’élections dans des pays ayant une expérience récente ou imparfaite du processus démocratique est un exercice périlleux aux conséquences incertaines.
On retrouve surtout les risques d’instabilité politique dans les pays à gouvernements autocratiques, qui, sous la pression des Nations Unies, des bailleurs de fonds internationaux, ou du peuple, se voient pressés d’organiser la tenue d’élections démocratiques.
Les exportateurs ou les investisseurs peuvent parfois payer le prix fort durant ces périodes d’incertitudes politiques. Leur crainte est avant tout le cas de la « force majeure » d’origine politique qui aboutira à l’interruption d’un contrat, au rapatriement des expatriés, à l’expropriation des actifs dans le pays du risque, ou encore à la destruction ou à la détérioration des stocks et des équipements sur place.
A ce titre, l’année 2011 a été une année particulièrement délicate pour les entreprises françaises exportatrices et pour les assureurs de risques politiques, au vu des quelques 20 élections sur le seul continent africain, dont 12 élections présidentielles.
Parmi les troubles politiques liés à la tenue d’élections, plusieurs cas de figures peuvent affecter à des degrés divers des entreprises ou investisseurs français opérant dans des pays émergents en période d’élection :
- La tenue de l’élection donne lieu à des bouleversements politiques ou des émeutes avant le jour de l’élection.
La période de campagne électorale peut « enflammer les foules » voire entraîner des émeutes. Elle peut aussi être propice à un coup d’Etat. En février dernier, on a assisté à un regain de tension important au Sénégal pendant la campagne électorale. Si, finalement, l’élection de Macky Sall semble avoir ouvert la voie à une transition démocratique en douceur, la période qui a précédé cette élection aura été le théâtre de violences politiques qui ont paralysé la vie économique à Dakar et dans d’autres villes du pays pendant plusieurs semaines. L’exemple le plus récent et le plus dramatique d’instabilité politique pré-élection est illustré par le coup d’Etat intervenu un mois avant la tenue des élections présidentielles au Mali. Les élections qui devaient avoir lieu ont donné prétexte à la junte militaire pour renverser le gouvernement d’Amadou Touré, précipitant ainsi la situation de guerre civile avec la minorité Touareg du Nord du pays. Les entreprises Françaises sur place se trouvent directement affectées par ces évènements.
- Le résultat des élections est nié ou maquillé par le pouvoir en place qui refuse la transition démocratique.
C’est le cas le plus courant. Les exemples sont nombreux. La réélection de Joseph Kabila en République Démocratique du Congo, entachée d’irrégularités flagrantes, a provoqué des émeutes dans tout le pays en 2007. En Côte d’Ivoire, le refus de Laurent Bagbo de céder le pouvoir à Alassane Watara en 2011 suite aux résultats des élections présidentielles, a abouti à une guerre civile de plusieurs mois qui a forcé les expatriés français à fuir le pays, causé l’interruption de contrats export, et provoqué des dommages aux biens d’entreprise étrangères présentes dans le pays. Comme cela fut le cas en Côte d’Ivoire, la résistance du « candidat sortant » peut aussi entraîner pour le pays le retrait ou la suspension de financements des bailleurs de fonds internationaux. Ce fait générateur spécifique peut être couvert par les assureurs de risque politique.
- La tenue d’élection réveille des antagonismes partisans, religieux ou ethniques.
Outre le cas de la Côte d’Ivoire, où l’opposition des deux candidats rivaux reflétait un clivage ethnique profond, on peut citer celui des élections de Décembre 2007 en Thaïlande, qui ont vu s’affronter dans les urnes, puis dans la rue, les partisans de Thaksin Shinawatra, appelés les « chemises rouges » à ceux des « chemises jaunes » anti-Thaksin, sur fond d’extrême violence. Le cas du Kenya est aussi frappant. Une crise de violence au Kenya est apparu à la suite de l'élection présidentielle du 27 décembre 2007. Le président sortant Mwai Kibaki est déclaré vainqueur alors que les partisans de Raila Odinga, son opposant, contestent cette réélection en raison de fraudes massives. Cette contestation dégénère en violence dans plusieurs villes du pays où les partisans des deux hommes s'entretuent. On comptera plus de 1.500 morts et, d’après un rapport des Nations Unies, plus 300.000 personnes déplacées. En toile de fond de ces violences politiques, on retrouvait des divisions ethniques entre les Kikuyus d’un côté et les Kalenjin et les Luo de l’autre.
- Le résultat d’une élection, cette fois démocratique et incontestée, peut aussi consacrer la victoire d’un candidat populiste dont la politique va directement impacter les investisseurs étrangers sur place.
Les exemples les plus connus sont ceux d’Hugo Chavez au Venezuela et d’Hugo Morales en Bolivie, ou encore de Christina Fernandez en Argentine. Sitôt le résultat des élections prononcé, leurs politiques de réappropriation des ressources naturelles ou de dirigisme politique extrême peuvent aboutir à l’expropriation d’investisseurs étrangers comme ce fut le cas par exemple avec la vente forcée d’« Exito »la filiale du groupe Casino au Venezuela. De même, certains nouveaux dirigeants en place peuvent décider de rompre leurs relations commerciales, d’annuler, ou de ne pas honorer des contrats existants avec des partenaires étrangers, soit parce qu’ils étaient considérés comme des soutiens au régime sortant, soit parce que le nouveau régime décide de « recentrer ses dépenses » sur des contrats jugés prioritaires. Dans d’autres cas, le pouvoir en place peut aussi contester les modes d’attributions de certains marchés publics par leurs prédécesseurs.
Le risque spécifique lié à l’instabilité politique entourant la période des élections dans les pays émergents met en relief la nature même du risque politique auquel sont confrontés les investisseurs dans les pays émergeants. Les couvertures en Risques Politiques qui ne peuvent pas être annulées par les Assureurs en cas de troubles ou d’aggravation du risque visent précisément à protéger dans la durée les entreprises contre ces risques. Il convient toutefois de souligner que l’analyse du risque et donc du coût de la couverture, comme des capacités mises à disposition par les assureurs, dépendent de la situation analysée par l’assureur à la date de la souscription et en fonction de son évolution potentielle. Si la situation initiale vient à se détériorer, les garanties souscrites restent valables au coût préétabli mais la souscription de nouvelles garanties deviendra plus chère voire impossible, d’où l’importance de souscrire la garantie « à froid » le plus en amont possible pour s’assurer à la fois de la capacité et du prix.
Les assureurs interviennent tant pour les risques liés à des contrats import-export, que pour la protection des investissements contre les risques d’expropriation ou de dommages physiques causés par des événements politiques dont le terrorisme. Cela pour des périodes de longue durée pouvant atteindre 7 ans.
Alexandre EGNELL Directeur de la Souscription Crédit & Risques Politique Liberty Mutual Insurance Europe France
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