Edito : Dura flex, sed flex

mardi 8 octobre 2019
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QVT, bien-être au travail, bienveillance, la mode est au cocooning du salarié. Une nouvelle tendance qui fait le bonheur des vendeurs de baby foot et autres fontaines à Smarties. Même les boss tombent la cravate et se muent en chantre du patron cool, à l'écoute de ses collaborateurs. Mais ils n'en restent pas moins des patrons. Et comme disait un ancien président récemment disparu, « un chef, c'est fait pour cheffer ».

Et c'est bien là que le bât blesse. Toutes ces bonnes intentions viennent généralement d'un déclic apparu chez le patron. En concertation avec les représentants du personnel, il finit par les imposer à tous les salariés. Et si ces intentions se veulent inspirantes et porteuses de sens, elles vont parfois à l'encontre de la nature humaine. Prenons le cas du flex office. Le concept est simple : vous n'avez plus de bureau attitré et le matin quand vous arrivez au travail, vous vous installez où vous le souhaitez. La liberté totale en somme.

Cette nouvelle organisation de l'espace vient pourtant en contradiction avec le besoin de territorialité presque inscrit dans les gênes de l'être humain. Depuis que ce dernier a décidé de se sédentariser, il a comblé ce désir de territorialité en édifiant des maisons ou des appartements aux frontières parfaitement délimitées, qu'il agence à son goût suivant le précepte du home sweet home. Et cela va bien au-delà de l'habitat. Il ne viendrait pas à l'idée de venir s'installer sur la nappe de quelqu'un d'autre pour pique-niquer. Ce serait empiéter sur son espace. Dans les bus, les individus ont tendance à privilégier les places sans personne à côté d'eux pour s’asseoir et prenne soin de poser leur mallette ou leur sac sur la place vide pour inciter les autres à se mettre ailleurs. Certains poussent même ce besoin jusqu'à toujours déjeuner ou dîner à la même place dans leur restaurant favori.

L'être humain se sent finalement rassuré par une certaine forme d'habitude et l'existence de domaines réservés qui n'appartiennent qu'à lui. Pourtant en entreprise, c'est un tout autre chemin qui a été pris. L'avènement des open space a fait tomber les frontières physiques entre les territoires des salariés. Mais ils continuaient de conserver leur espace personnel et individualisé. L'ère du flex office le brise complètement. Chaque matin, laptop sous le bras, ils partent à la quête d'un nouveau territoire qu'ils conserveront quelques heures, au mieux une journée, avant de s'en séparer, en veillant bien à ne laisser aucune trace de leur passage derrière eux.

Quitte à passer pour un réac', je m'interroge sur le sens, ce fameux sens, derrière cette nouvelle tendance organisationnelle. Imaginez une seconde que l'on soit obligé de chercher et de changer de lit tous les soirs suivant le principe du flex bed. D'aucuns trouveraient cela étrange.

Et pourtant. Adieu les photos de famille posées sur le bureau, les dessins des enfants accrochés sur les panneaux qui séparent deux desk, les post-it accrochés à l'écran d'ordinateur. Alors que nous passons la majeure partie de nos journées au bureau, l'espace de travail s'aseptise peu à peu de tout élément personnel allant finalement à l'encontre de cette ambition de cocooning censée améliorer le bien être au travail.

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