Depuis plusieurs mois, le mot disruption s'est invité dans le vocabulaire du secteur de l'assurance. Servi à toutes les sauces, il est d'ailleurs souvent affublé d'un « même si je n'aime pas le terme », par ses plus fervents partisans. Mais pour l'heure, la disruption, que l'on aime ou pas la dénomination, semble plutôt relever de la chimère et du levier de communication que de la réalité. Car aucun Colin Powell n'est encore venu brandir, aux yeux du monde, la moindre preuve de l'existence d'armes de disruption massive dans le secteur de l'assurance en France.
Je dois vous avouer que je suis perplexe devant tant d'incantatoire. Que pourrait bien receler cette coquille, jusqu'ici laissée vide, aux observateurs que nous sommes ? A quoi ressemblera le marché de l'assurance en France si tout le monde verse dans la disruption ? Commençons par définir le sujet. Evacuons tout de suite la définition liée au domaine de la physique nucléaire dans lequel une disruption est une perturbation pouvant conduire à la perte du confinement des particules permis grâce à la configuration du tokamak.
Concentrons nous sur l'idée de rupture, sous-jacente à l'évocation du mot « disruption ». Certains voient dans l'assurance de l'économie du partage une disruption. Vraiment ? Ne sont-ce pas simplement des produits destinés à assurer des automobiles et des habitations, contre le vol, l'incendie..., mais consommées d'une autre façon ? En quelque sorte des adaptations de produits et de savoir-faire déjà existants. Auquel cas nous serions plutôt dans l'évolution que dans la disruption.
D'autres encore voient dans le digital une source infinie de ruptures pour le secteur. Souscription en ligne, gestion des contrats en ligne, application pour smartphones... la dématérialisation est à coup sûr en marche dans l'assurance. Mais là encore, nous sommes moins dans la disruption que dans l'innovation.
Finalement, n'y aurait-il pas une confusion entre innovation et invention ? Le premier est une amélioration de l'existant, alors que le second constitue une vraie rupture, comme le furent le train, l'électricité, ou encore la télévision et le cinéma. Par conséquent, à l'image d'un Oscar qui place la transparence et l'expérience client au cœur de son modèle, la rupture tant recherchée par le secteur n'est-elle pas vouée à venir de nouveaux entrants, vierges de tout héritage lourd à transformer et capables de concurrencer des leaders sûrs de leur force et de leur position ? Les "armes de disruption massive" seraient alors cachées dans la fintech et l'insurtech, nichées dans ces start-up dont l'agilité fait des envieux... et des investisseurs. Car c'est bien connu, si je ne peux pas aller à la disruption, la disruption viendra à moi !
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