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Franck Le Vallois : "En dommages, la guerre des modèles de distribution s’intensifie"

mercredi 23 janvier 2019
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TRIBUNE – Dans le cadre de notre magazine le bilan 2018 de l’assurance, Franck Le Vallois, membre du comité exécutif d'Allianz France en charge de la distribution prend sa plume. Il revient sur l’année 2018 de l’assurance dommages et se projette sur 2019.

« La distribution des produits d’assurance est en pleine mutation, prise entre le feu de la bancassurance et le développement de la vente directe. Cette concurrence fragilise les réseaux de distribution traditionnels, agents généraux et courtiers (…). La part de vente directe reste faible et progresse peu (…) ».

On pourrait penser que ces phrases ont été rédigées en 2018. Elles sont en fait extraites d’un rapport de la commission des finances du Sénat sur « la situation et les perspectives du secteur des assurances en France » remis en… octobre 1998 !

Vingt ans plus tard, en 2018, et alors que le nombre croissant de catastrophes naturelles fragilise la rentabilité du marché, l’intensité concurrentielle n’a jamais été aussi forte dans un marché fluidifié par la loi Hamon. Les statistiques de la Fédération Française de l’Assurance confirment la stagnation du direct et la montée en puissance des bancassureurs en assurance de biens et de responsabilités. Nous assistons sur ce marché à une véritable guerre des modèles de distribution.

Les bancassureurs gagnent ainsi de 0,5 à 1 point de part de marché chaque année au détriment des acteurs traditionnels : mutualistes, courtiers et agents généraux. Peut-on pour autant en conclure que la domination de la bancassurance est inéluctable et que la distribution traditionnelle est condamnée ? Pas sûr car la réalité est plus complexe.

Les réseaux de distribution traditionnels évoluent désormais dans un environnement qui se transforme à une vitesse sans précédent. Les nouvelles technologies n’ont jamais autant remodelé les habitudes de consommation des clients. Notre secteur a d’ailleurs assisté à l’arrivée d’Amazon comme partenaire d’un assureur traditionnel avec une solution de moyen de paiement. La compétitivité des réseaux est de plus en plus mise à mal par des modèles qui distribuent à coût marginal et par des exigences réglementaires – la Directive Distribution Assurance et le Règlement Général sur la Protection des Données pour ne citer qu’eux sur l’année 2018 – qui pèsent sur le compte d’exploitation des intermédiaires.

Dans cet environnement, les modèles traditionnels de distribution font aujourd’hui face à un défi colossal. Ce défi est plus que jamais celui de la relation client qui souffre d’une fréquence de contact trop faible et de la comparaison avec l’expérience client proposée par des plateformes technologiques comme Netflix, Amazon ou Spotify. Ces entreprises, désormais les préférées des consommateurs, ont su capter la relation client. Comment ? En cassant les barrières de la distance, en imaginant de nouvelles expériences et en servant leurs clients de manière immédiate.

Le maillage géographique, qui était l’atout majeur des réseaux traditionnels en assurances Dommages, n’est plus aujourd’hui un avantage compétitif suffisant. Un client ne veut plus seulement accéder à son assureur à moins de 2 kilomètres, il veut désormais être servi en moins de 2 minutes.

La proximité ne s’apprécie plus seulement au regard de la géographie mais également en fonction de la temporalité. Je parle de « proximité augmentée » qui traduit le fait que le temps a supplanté la distance.

L’ampleur de ce défi a mené les compagnies d’assurances et les intermédiaires à tirer un constat similaire en 2018 à celui de la commission des finances du Sénat de 1998 : l’optimisation et la transformation ne sont plus suffisantes. La survie des réseaux de distribution passe désormais par une réinvention des modèles. La tenue d’un congrès exceptionnel d’Agéa en 2018 sur l’avenir du métier d’agent général en est la parfaite illustration. Dès lors, quel modèle de distribution adopter pour capter la relation client ?

Capter la relation client consiste à s’adapter à ses usages. Aujourd’hui, le comportement du « research online purchase offline » devient de plus en plus la norme et nécessite donc de pivoter d’un modèle purement physique vers un modèle omni-canal générant des interactions personnalisées entre les clients et les réseaux de distribution. Cela se traduit par la combinaison de tous les canaux d’acquisition digitaux, des compétences et de la proximité des réseaux pour générer et transformer des leads digitaux en affaires nouvelles qu’il s’agisse de produits d’assurance ou de services à valeur ajoutée.

Un tel modèle n’est pertinent que s’il réussit à créer des interactions totalement personnalisées entre les réseaux de distribution et les clients. Cela nécessite un investissement fort pour capter des données sur l’ensemble des segments clients particuliers comme professionnels en s’appuyant sur la maîtrise et l’usage de technologies comme le big data et l’intelligence artificielle. Cela suppose aussi d’orienter les leads vers les intermédiaires les plus à même de comprendre et satisfaire les besoins du client, les plus à même d’accroitre la valeur client.

En définitive, la dynamique commerciale des bancassureurs semble leur donner une longueur d’avance sur le marché des assurances de biens et de responsabilités. Mais s’ils réinventent leur modèle, les réseaux traditionnels pourront se démarquer auprès des clients : la guerre des modèles de distribution est loin d’être terminée, elle gagnera même en intensité dans les années à venir.

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