Frédéric Grand : 2020, un marché dur pour les grands risques, et après ?
TRIBUNE – Dans le cadre de notre magazine le bilan 2019 de l’assurance, Frédéric Grand, vice-président du directoire de Diot, a pris sa plume. Il revient sur l’année 2019 en assurance grands risques et se projette sur 2020.
La fin de l’année 2019 aura été marquée, sur les grands risques, par un retournement brutal du marché de l’assurance. Il y a eu certes des signes avant-coureurs en 2018 mais la force du retournement a été frappante.
Si on regarde en arrière, les grands risques ont connu, à plusieurs reprises et particulièrement en 2001-2002, un changement d’ampleur du marché. Il y a eu la tragédie du 11 septembre 2001, les années de baisse qui l’ont précédée, mais aussi l’éclatement de la bulle internet et le krach boursier qui a suivi. A l’époque, les assureurs portaient plus d’actions à leur bilan et c’est le double effet d’un actif qui baisse et d’un passif qui monte qui a créé l’intensité du marché haussier de 2002. Il s’ensuivra une période de détente des prix et des conditions qui aura duré une décennie et demie. En 2019, le phénomène d’augmentation de la sinistralité s’observe également.
Comme en 2002, c’est un phénomène financier qui accélère le redressement technique. En juillet 2019, l’OAT 10 ans française est entrée en territoire négatif et y est restée jusqu’en novembre. Si les taux sont bas depuis plusieurs années, le passage en taux négatif pour la France a marqué les esprits chez les assureurs. Des taux durablement bas signifient une poursuite de la baisse de contribution des produits financiers dans leurs résultats, un impact tarifaire significatif dans les branches « longues » et surtout une baisse importante des marges de solvabilité, marges désormais encadrées de près par la réglementation Solvabilité 2.
C’est ainsi à nouveau la conjonction d’éléments de différentes natures - la hausse de la sinistralité et l’impact de l’environnement de taux sur les marges de solvabilité - qui créée la force du retournement du marché. Et ce retournement est très marqué sur les grands risques compte-tenu du plus faible nombre d’acteurs. Que nous préparent donc les dix prochaines années et quel rôle pour les différents acteurs ?
Il est difficile de dire si le phénomène de cycle se reproduira. Le marché pourrait se détendre avec des résultats techniques qui se redresseront et l’arrivée de nouveaux acteurs puisque les capitaux ne manquent pas. Un marché dur qui dure, c’est-à-dire un maintien de conditions rigoureuses d’accès aux capacités, est un scénario moins probable. Il pourrait trouver ses raisons dans la réglementation, une vraie barrière à l’entrée pour les leaders, et l’environnement de taux zéro qui maintiennent les assureurs et leur direction générale sous pression.
Ce qui est certain, c’est que les assureurs resteront sur les risques des entreprises. Leur métier est de plus en plus challengé sur le segment du particulier et du professionnel. L’entreprise restera un axe stratégique pour les assureurs et ils devront y investir au risque de se faire dépasser.
Ce qui est également certain, c’est que les courtiers continueront d’œuvrer pour leurs clients. Un marché difficile met le rôle des plus techniques en valeur et permet de donner à chaque grand client un sur-mesure total lié à son contexte. Ce sur-mesure, visant à garantir un financement des risques optimum, nécessite la mobilisation de toutes les expertises. Ce sont bien sûr les compétences techniques des équipes, celles liées à l’analyse des risques et des couvertures, les outils de simulation de rétentions ou encore la capacité à accéder au marché de la réassurance. Sans oublier la proximité et le dialogue continu avec le client. Mais les prochaines dix années ne pourraient-elles pas apporter leur lot de changements et devenir celles de la co-construction et de l’innovation retrouvée ?
Nous devons collectivement abaisser le coût de la syndication du risque. C’est enclenché mais nous n’allons pas assez vite. Nous devons poursuivre le travail sur la donnée et son enrichissement pour être plus pertinents et prédictifs pour nos clients. Les parcours clients, la digitalisation, seront des sources de simplicité et de création de valeurs que nous devons construire ensemble. La prévention, avec l’IA et les IOT, sera profondément modifiée et les moyens de financement des risques avec. La gestion des risques intégrera l’impact environnemental poussée par l’urgence écologique. Il est ici impossible de tout citer mais l’assurance paramétrique est aussi un axe d’investissement commun. La certitude et la rapidité du paiement font son attractivité.
Le courtier sera au cœur du système. Les axes classiques de nos métiers seront toujours aussi présents ; le conseil allant de la compréhension fine des besoins du client à l’assistance dans la gestion de ses risques, l’accompagnement et la gestion au quotidien, et enfin l’accès à des couvertures et à des conditions de financement des risques aux meilleurs prix. Nous sommes au centre de la confiance des parties ; le courtier n’est rien sans son client et il ne peut agir sans la confiance des assureurs et autres partenaires de demain. C’est un vrai challenge pour les dix prochaines années quand on sait les efforts que ce travail demandera pour être toujours plus efficaces pour nos clients.
Mais c’est un challenge passionnant. Les grands clients nous obligent à être plus innovants et à nous adapter. Dans cet écosystème, rien ne remplace la compétence humaine et la confiance. Nos métiers font travailler ensemble des hommes et des femmes de différents horizons. Ils font échanger, dialoguer, négocier des équipes, souvent sur plusieurs pays. C’est une équipée formidable car l’humain est et en restera le centre.
Nous avons anticipé ces évolutions. Nous investissons depuis plusieurs années dans les compétences, la technologie et l’organisation avec toutes nos forces vives au service de tous nos clients, dont les grands comptes restent les acteurs du changement.
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