Lafarge / Syrie : AIG condamné à indemniser les dirigeants du cimentier
Attaqué par Lafarge pour avoir introduit une « clause sanctions » dans le contrat RCMS du cimentier, l’assureur AIG a été condamné par la Cour d’appel de Paris à indemniser les frais juridiques engagés par le groupe pour plusieurs de ses dirigeants visés dans l’enquête sur ses activités en Syrie.
Dans une récente décision révélée par nos confrères du média spécialisé Gotham City, la Cour d'appel de Paris a donné raison au cimentier Lafarge dans l’affaire qui l’oppose à son assureur AIG Europe SA à propos du contrat RCMS de ses dirigeants.
Rappel des faits. Dans le cadre de la poursuite de ses activités en Syrie entre 2013 et 2014, le cimentier a vu vingt-quatre de ses actuels ou ex-responsables poursuivis par la justice pour violation d'embargo, financement d'activités terroristes, mise en danger de la vie d'autrui et complicité de crimes contre l'humanité. Au regard des importants frais engagés pour les défendre, l’industriel souhaitait donc faire jouer sa garantie RCMS contractée il y a près de 20 ans auprès d’AIG par l’intermédiaire de Marsh.
Une clause cachée ?
Après plusieurs relances, l’assureur refuse finalement d’indemniser le cimentier en faisant jouer une « clause sanctions ». Lafarge découvre alors que cette clause a été ajoutée en toute discrétion par AIG en juin 2015 lors de la rédaction d’un avenant destiné à proroger son contrat d’assurance jusqu’à la finalisation de sa fusion avec le suisse Holcim quelques semaines plus tard. Le paragraphe en question*, fondu dans le texte de l’avenant sans même être qualifié de clause d'exclusion, était passé inaperçu.
Lafarge s’est donc retourné contre AIG, lui demandant d’invalider cette fameuse clause. Le cimentier reproche surtout à son assureur d’avoir intégré ce texte « sans explication et profitant de la confusion régnant au sein du groupe […] à quelques jours d'une fusion compliquée des deux géants mondiaux de l'industrie du ciment ». L’industriel indique également qu’ « AIG n'avait pourtant préalablement jamais jugé opportun d'insérer une telle clause, alors que la police était en vigueur depuis 21 ans (1994), que la SA Lafarge détenait une filiale en Syrie qui exploitait une cimenterie depuis 2007, et que le régime américain de sanctions qu'elle entend lui opposer date de 2011 ». En creux, le géant du ciment soupçonne sa compagnie d’avoir voulu éviter de « passer à la caisse » en anticipant sa possible attaque en justice pour avoir maintenu ses activités dans cette zone à risques.
In fine, la Cour d'appel de Paris, dans sa décision 20/10832 datée du 21 juin 2022, a donné raison à Lafarge en prononçant la nullité de la « clause sanctions » de 2015, obligeant ainsi AIG Europe à payer les frais judiciaires engagés par le cimentier pour défendre ses dirigeants mis en cause dans son activité en Syrie.
* « L'assureur n'est pas réputé fournir une garantie ou payer aucune somme au titre d'un sinistre ou apporter son concours, dans la mesure où la fourniture d'une telle garantie, le paiement d'un tel sinistre ou la fourniture d'un tel concours exposerait l'assureur à une quelconque sanction, prohibition ou restriction en vertu des résolutions de l'ONU, des lois et règlements édictés par l'UE, ou tout autre Etat imposant des sanctions économiques ou commerciales ».
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