Laurent Belhout : "Nous avons lancé un plan de croissance sur trois ans"
INTERVIEW - Fraîchement nommé CEO d’Aon France, Belgique, Luxembourg, Maroc, Laurent Belhoult fait le point sur l’activité du courtier en cette fin d’année et revient notamment sur les difficultés à trouver de la capacité sur le marché. Surtout, le dirigeant explique les grandes lignes du nouveau plan de croissance lancé récemment dans l’Hexagone.
Pouvez revenir sur vos nouvelles fonctions au sein du groupe ?
Le nouveau CEO d’Aon EMEA, Eduardo Davila, auquel je rapporte, a divisé la région en plusieurs sous-régions. En plus de la France, j’ai donc désormais la charge des activités du groupe en Belgique, au Luxembourg et au Maroc, l’ensemble de ces quatre pays faisant près de 450M d’euros de chiffre d’affaires annuel.
Comment s’oriente cette période de renouvellements 2022 ?
Au-delà des tarifs, il y a un vrai sujet d’aversion au risque de la part des assureurs et parfois même de faisabilité. Sur certaines branches, les assureurs ne veulent manifestement plus se positionner ou alors avec des champs d’application de garantie qui diminuent et des rétentions qui augmentent de façon drastique. Une hausse de prix peut s’expliquer, mais le fait que les assureurs ne veuillent plus assurer est difficile à comprendre par les clients.
En parallèle, les capacités qui diminuent sont une réalité et nous devons trouver plus d’acteurs pour conserver un même niveau de couverture. Il y a encore quelques années, les principaux opérateurs du marché pouvaient proposer 600 à 700M d’euros en premières lignes. Aujourd’hui, trouver 100M d’euros, c’est le bout du monde ! Pour les assureurs qui ont affiché la volonté d’être des leaders du risque d’entreprises, cela implique selon moi de se comporter comme tel, ce qui implique de continuer de souscrire, quel que soit le prix.
Les porteurs de risques dignes de programmes internationaux ont aujourd’hui un « legacy » très lourd et cette inertie impacte leurs ratios combinés. Cette situation fait donc la part belle aux nouveaux entrants et aux assureurs qui n’ont pas de passif à rattraper, car ils disposent d’un marché où les prix sont redevenus techniques.
Cette situation tarifaire toujours à la hausse vous pousse-t-elle à revoir vos process d’accompagnement des clients ?
Nous faisons auprès de nos clients de la pédagogie préventive depuis presque trois ans. Toutefois, il faut garder en tête que pour le dirigeant d’une grande entreprise, l’assurance n’est qu’une dépense fixe. Ainsi, lorsque nous lui annonçons une revalorisation de tarif pouvant aller jusqu’à 40%, cela complique le dialogue. De fait, certains industriels font le choix d’acheter moins de capacités et d’admettre plus de rétention.
Concernant les appels d’offres, notre politique n’a pas changé non plus et nous continuons à en décliner certains. Les affaires que nous gagnons sont surtout la conséquence d’un impact commercial plus fort que nos concurrents. 80% de nos gains sont aujourd’hui issus du « new business ».
Quelles sont aujourd’hui les activités qui performent et celles plus en difficulté au sein d’Aon France ?
Chapka et Ovatio ont été fortement impactés en 2020 avec une activité quasi-nulle. Depuis le début de l’exercice 2021, le business de ces deux entités a repris et va nous permettre d’afficher sur leurs segments de marché des progressions extrêmement fortes. Ovatio by Aon est par exemple devenu depuis peu le courtier du Prodiss, le syndicat national du spectacle musical et de variété. Pour Chapka, dès que les frontières australiennes et asiatiques rouvriront, nous atteindrons 100% du chiffre d’affaires d’avant-crise.
Sur le segment commercial risks (entreprises), nous enregistrons depuis le début d’année une progression de 12% en IARD et 7% en ADP. De son côté, l’activité affinitaire représente aujourd’hui un chiffre d’affaires d’environ 40M d’euros, en progression de 5%. Aucun de nos segments est aujourd’hui non-performant et la France reste la meilleure filiale de la région EMEA.
Après le rapprochement avorté avec Willis Towers Watson, quels sont les nouveaux objectifs de développement en France et dans les autres pays dont vous avez désormais la charge ?
Une fois la fin du rapprochement avec WTW actée, nous avons lancé spontanément un plan de croissance sur trois ans baptisé « Horizon 2024 ». Il s’appuie sur la relance humaine et économique de notre activité avec en contrepartie des investissements forts de la part du groupe, notamment sur l’IT et la digitalisation de nos process et sur le recrutement.
Les équipes n’ont jamais été inquiètes à propos du rapprochement avec Willis Towers Watson, mais il fallait les remobiliser après l’inertie créée par la zone de confort du télétravail.
Concernant la croissance externe, le groupe nous pousse sur ce sujet et cela permet de soutenir la croissance organique. Cependant, compte-tenu des cibles potentielles sur le marché, nous visons plutôt les opérations moyennes en nombre, ces dernières s’intégrant beaucoup plus facilement à notre organisation.
Concernant le sujet des captives, vos clients sont-ils en attente d’un assouplissement de modèle français ?
Pour les clients dont les actionnaires peuvent être publics, ils peuvent être rétifs à une localisation au Luxembourg. Même s’ils sont peu nombreux, l’assouplissement du modèle français peut ainsi débloquer la situation.
Pour les autres entreprises, elles continuent pour l’heure à faire le choix du Luxembourg ou d’ailleurs, car certaines n’ont pas les moyens d’attendre. Sur ce point, notre entité White Rock est capable de créer en un mois seulement une cellule captive et proposer ainsi une solution provisoire en attendant de pouvoir racheter une captive ou créer des provisions dans une nouvelle structure. Dans ce contexte, cela constitue un avantage compétitif certain.
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