Marie-Anne Montchamp : "Les assureurs doivent rester en dehors de la branche autonomie"
Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) considère que les assureurs doivent rester en dehors de l’architecture de la future branche autonomie.
Marie-Anne Montchamp a esquissé le financement de la future branche autonomie de la Sécurité sociale, face aux journalistes de l’AJIS (association de journalistes de la protection sociale). Le projet de loi organique sur la dette sociale, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit l’affectation de 0,15 point de la CSG à la CADES à partir de 2024 pour financer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. Ces recettes s’élèveront à 2,3 milliards d’euros par an.
Comment trouver les ressources nécessaires d’ici 2024 ? Marie-Anne Montchamp a cité « le programme d’efficience et de qualité du PLFSS » qui précise que les finances publiques consacrées à la perte d’autonomie s’élèvent à 66 milliards d’euros par an. La présidente de la CNSA souhaite récupérer ces 66 milliards auprès des différents ministères et entités publiques pour nourrir la future branche autonomie. En plus, il conviendrait d’allouer des ressources supplémentaires, selon Marie-Anne Montchamp qui estime que le budget de la branche devrait tourner autour de 72 à 74 milliards d’euros, ce qui en ferait le troisième risque de la sécurité sociale, après la vieillesse et la maladie.
Un grand moment de solidarité nationale
Interrogé sur la place des acteurs privés de l’assurance au sein de la branche dépendance, Marie-Anne Montchamp a répondu : « Encore plus après cette crise sanitaire, je pense que nous avons besoin d’un grand dessein en solidarité nationale et en protection sociale. Nous avons besoin de dire que nous allons faire encore plus nation. Ensuite, les questions de financement, de mon point de vue, passent par un véritable investissement public ».
Les assureurs cantonnés aux choix individuels
Marie-Anne Montchamp considère que les assureurs ont un rôle à jouer sur les choix individuels des Français. « Il y a des compartiments dans la politique de l’autonomie, qui appellent très fort aux choix individuels. Par exemple, est-ce que demain je pourrai continuer à vivre dans ma maison ? Je pourrai rechercher une solution alternative, aller dans une résidence autonomie, aménager la maison ou aller en Ehpad ? Dans ce cas là, qui doit payer ? Si j’ai des exigences particulières, on ne peut pas demander à la solidarité nationale de financer mes envies particulières. Mes besoins d’autonomie, oui. Là, il y a un embranchement possible » avec les assureurs privés. Marie-Anne Montchamp considère que ce n’est pas à la solidarité nationale de soutenir le choix patrimonial des Français qui souhaitent transmettre leur logement.
« Les assureurs peuvent jouer un rôle dans le financement de cette fonctionnalité logement. Trouver des systèmes adossés à la multi-risque habitation, avec une part de financement modique pour permettre d’avoir le choix à la fin de la vie. Cela ne me choque pas, car c’est lié à des choix personnels, et à des questions de logement », a-t-elle illustré.
« Il est très important que les assureurs comprennent bien la logique de la cinquième branche, comprennent bien cette politique publique, sa transversalité. Ils sont parfois un peu parasités par l’expérience en santé publique, où ils sont devenus les supplétifs de l’assurance maladie dans certains cas, ou les financeurs uniques sur certains aspects comme les lunettes, sans être vraiment co-auteurs avec l’Assurance maladie. Je sais que cela les chagrine, les énerve, ils ne sont pas contents », a-t-elle ajouté.
L'antagonisation du débat n'a pas de sens
« Je pense qu’il y a une vraie réflexion assurantielle à avoir sur l’autonomie, mais certainement pas pour toucher à l’architecture de la branche, certainement pas pour venir se situer au fond, sur cette réflexion fondatrice d’un cinquième risque de protection sociale. C’est comme si au moment du conseil national de la résistance (CNR), au moment de la constitution de la Sécurité sociale, on avait eu une espèce de débat assurantiel !».
« Mais il y a de la place pour tout le monde. La Mutualité Française finance les établissements, les groupes de protection sociale appréhendent mieux les risques liés à l’activité professionnelle en fonction des branches, les assureurs privés ont une relation singulière avec leurs clients, connaissent leur situation patrimoniale et peuvent les amener à faire des choix. Tout le monde de l’assurance à quelque chose à faire et quelque chose à dire, mais je pense que le mélange des genres, et l’antagonisation du débat entre la solidarité nationale ou l’assurance, n’a aucun sens. Ce que nous sommes en train de faire ensemble, c’est construire une politique de l’autonomie contemporaine portée pour un risque, par une branche de protection sociale. C’est cela le sujet », a-t-elle conclu.
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