La Mutualité française, réunie en congrès à partir de jeudi à Nantes, attend des engagements forts du gouvernement, à l'heure où la généralisation des complémentaires santé en entreprise et du tiers payant à tous les assurés, pose la question du rôle des mutuelles dans le système de soins.
Trois ans après son premier grand discours sur la politique de santé, François Hollande s'adressera à nouveau vendredi à plus de 2.000 mutualistes. Mais pas sûr qu'il "soit aussi chaleureusement accueilli qu'en 2012", prévient-on dans le milieu. La ministre de la Santé Marisol Touraine s'exprimera, elle, dès jeudi.
Généralisation, "à l'horizon de 2017, de l'accès à une complémentaire santé de qualité", révision de la fiscalité pesant sur le secteur, légalisation des réseaux de soins ou encore régulation des dépassements d'honoraires... Les engagements du nouveau président avaient en 2012 réjoui la Mutualité française, qui représente la quasi-totalité des mutuelles, avec 426 adhérents.
Mais la "généralisation" de la complémentaire est pour le moment cantonnée à l'entreprise, avec l'obligation pour tous les employeurs, à compter de 2016, d'offrir une complémentaire santé à leurs salariés. Décidée par les partenaires sociaux dans le cadre de l'Ani (accord national interprofessionnel), la mesure exclut de fait les "retraités, jeunes en difficulté d'insertion professionnels et les chômeurs" qui représentent le gros des 3,3 millions de personnes dépourvues de complémentaires, regrette aujourd'hui le président de la Mutualité française Etienne Caniard.
Elle a surtout contribué au "séisme" secouant le secteur, avec le basculement annoncé de 3,6 millions de contrats individuels, qui constituent 70% de l'activité des mutuelles, vers des contrats collectifs, plutôt dans le giron des instituts de prévoyance.
Face à cette nouvelle donne et à une concurrence accrue, les complémentaires (mutuelles, assurances, instituts de prévoyance) ont multiplié les rapprochements, accélérant ainsi la contraction du marché à l'oeuvre depuis quelques années, avec un nombre de mutuelles passé de 973 en 2008 à 450 en 2015, d'après la Mutualité.
Autre sujet sensible, les dépassements d'honoraires. Pour lutter contre les excès, des limites de remboursement ont été intégrées aux nouveaux contrats dits "responsables" (qui bénéficient d'une fiscalité avantageuse) mais, selon Etienne Caniard, ces plafonds sont "trop hauts" pour être efficaces. Même la légalisation en 2013 des réseaux d'opticiens, de chirurgiens-dentistes et d'audio-prothésistes, n'a pas complètement satisfait les mutualistes, qui souhaiteraient voir les médecins libéraux intégrer leurs réseaux de soins.
Un sujet très polémique à l'heure où les praticiens, vent debout contre la généralisation du tiers payant (dispense d'avance de frais) voulue par Marisol Touraine d'ici à 2017, craignent de devenir dépendants des mutuelles et autres assureurs.
Mais si "les médecins aujourd'hui ont un regard pour le moins prudent envers le secteur mutualiste", le dialogue est "indispensable", assure Jean-Paul Ortiz, le président du principal syndicat de médecins (CSMF), qui participera à une table ronde sur "les nouvelles relations conventionnelles et de contractualisation avec les professionnels de santé".
C'est pour rassurer ces derniers que la ministre a confié, dans son projet de loi santé, la gestion d'un flux unique de remboursement à l'Assurance maladie. Au grand dam de la Mutualité, soucieuse d'occuper un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre du dispositif, alors que l'assurance maladie ne prend en charge que 51% des soins de ville.
De quoi alimenter les débats avec le directeur général de la Cnamts, Nicolas Revel, également convié à l'événement. Les mutuelles doivent par ailleurs composer avec l'entrée en vigueur, en janvier 2016, de nouvelles règles européennes (directive Solvabilité 2) pour les assurances, qui posent la question d'une actualisation du Code de la mutualité, que seul le législateur peut mettre en oeuvre. Un point sur lequel François Hollande devrait s'exprimer.
Enfin, elles attendent toujours les gestes promis en 2012 sur le plan fiscal, notamment pour les contrats individuels, moins aidés que les contrats collectifs.
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