PLFSS 2024 : La Mutualité Française active son lobbying
Les organismes complémentaires vont verser 1,3Md d’euros de prestations santé supplémentaires en 2023 selon les calculs de la Mutualité Française. La fédération mutualiste avance ses idées pour réformer le système de santé.
La Mutualité Française active son lobbying quelques jours avant la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Elle présente le 21 septembre son « Carnet de santé, édition 2023 », une nouvelle publication qui se veut annuelle avec des chiffres objectifs sur l’état du système de protection sociale ainsi que la vision des Français avec des données issues d’un sondage national.
La fédération mutualiste a partagé lors d’une conférence de presse quelques données de cet ouvrage et notamment la part des organismes complémentaires dans le financement total des dépenses de santé. Une part estimée à 16,2%, selon les calculs de la fédération, plus élevée que l’indicateur retenu par la Drees, 12,6%, correspondant à la part prise en charge par les OCAM sur le seul périmètre de la consommation de soins et biens médicaux (CSBM).
1,3Md d'euros de dépenses supplémentaires
La FNMF a estimé le montant des prestations supplémentaires que les organismes complémentaires vont verser en 2023. Il prend en compte les transferts de charges sur les soins dentaires à partir d'octobre, les différentes mesures de revalorisation des professionnels de santé et l’augmentation de la consommation médicale. La facture monte à 1,3Md d’euros de dépenses supplémentaires en 2023. Et n'intègre pas les mesures prévues dans le prochain PLFSS. Un chiffrage proche de celui dévoilé par Florence Lustman, présidente de France Assureurs.
Séverine Salgado, directrice générale de la Mutualité Française, fait la distinction entre les dépenses supplémentaires "utiles" et celles jugées "incompréhensibles". Dans la première catégorie figurent les revalorisations conventionnelles de certains professionnels de santé ou la convention dentaire qui acte le virage préventif buccodentaire. Elle représente à elle seule 230M d'euros supplémentaires pour les complémentaires. Dans la deuxième catégorie, se trouve la "mesure purement comptable" d'augmentation du ticket modérateur sur les soins dentaires. Une mesure qui "n'apporte aucune valeur supplémentaire", selon Séverine Salgado.
Une réforme nécessaire
Face à l’inflation du coût de la santé et aux difficultés d’accès aux soins, la Mutualité française considère nécessaire de réformer le système de santé. « Si on veut pérenniser notre système, nous devons adopter une approche de long terme, changer de méthode et améliorer l’efficience de notre système », considère Eric Chenut, président la Mutualité française. Sur ce dernier point, la fédération propose d’arrêter le remboursement des médicaments avec un service médical rendu insuffisant. Elle demande également de « partager les informations entre l’Assurance maladie et les complémentaires pour mieux gérer le risque et lutter plus efficacement contre la fraude ».
La Mutualité multiplie les rencontres avec les parlementaires afin de ressortir certaines propositions avancées pendant la campagne électorale de 2022. Eric Chenut demande par exemple que « les actions de prévention soient reconnues comme des prestations en nature ». Enfin, les mutualistes militent pour réduire de quatre points le taux de TSA (taxe de solidarité additionnelle) des contrats intégrant des actions de prévention. La fédération souhaite par ailleurs être associée à la construction en aval, au pilotage et à la gestion de risque des rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie, et également pouvoir les co-financer. L’ancien ministre de la Santé François Braun avait écarté la piste du co-financement et dit que les rendez-vous de prévention seraient pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie.
L'accès financier à la complémentaire santé
Une autre proposition concerne les difficultés financières d’accès à la complémentaire santé pour les personnes qui ne bénéficient d’une participation de leur employeur ni d’un avantage fiscal. La Mutualité propose d’appliquer un taux de TSA réduit de 7,04% pour les « contrats non-aidés ». Cette mesure vise particulièrement les retraités, les chômeurs et les étudiants.
Face aux difficultés de financement de la santé, la fédération suggère de rétablir le principe de compensation systématique et intégrale des exonérations de cotisations sociales. En 2023, ces exonérations ont atteint 87,9Mds d’euros. Selon les calculs de la fédération, cela permettrait de collecter 2,1Mds d’euros supplémentaires. Un montant conséquent au regard des 700 à 800M d’euros de recettes estimées grâce au doublement des franchises médicales prévu dans le prochain budget de la Sécu. "Si on continue à exonérer les cotisations, la part des ménages dans le financement des dépenses de santé, actuellement de 54%, va continuer à augmenter dans les prochaines années, au détriment de la part prise en charge par les entreprises", alerte Séverine Salgado.
La fédération s'efforce de sensibiliser les décideurs sur ces mesures. A cet égard, elle envoie des ébauches d'amendement aux parlementaires. Reste à voir si elle parviendra à convaincre dans un contexte d'équilibres budgétaires tendus.
Pas de consigne sur les tarifs
A la différence des années précédentes, les fédérations d'organismes complémentaires n'ont pas reçu à ce jour de consigne du ministère de la Santé pour contenir les évolutions tarifaires. "Après les années 2021 et 2022 de fort rattrapage dans la consommation médicale, les mutuelles enregistrent un fort dynamisme en 2023 sur certains postes comme la médecine de ville, le dentaire ou l'hospitalisation. Il y a des changements structurels dans les dépenses de santé. Cela va peser sur les équilibres techniques des mutuelles. D'autant plus que certaines n'ont pas répercuté la dérive des prestations les dernières années", indique Eric Chenut.
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