La directrice générale de la Mutuelle des Scop et des Scic Céline Thiébault-Martinez est devenue députée de Seine-et-Marne lors des dernières élections législatives. Découvrez le portrait de cette socialiste portée par des convictions féministes qui a décidé de changer d’échelle.
Céline Thiébault-Martinez nous donne rendez-vous dans le siège de la fédération du parti socialiste de Melun, en Seine-et-Marne. La députée fraîchement élue vient nous chercher à la gare ferroviaire avec sa berline et nous conduit jusqu’à une maison de ville transformée en quartier général du parti. « Ne faites pas attention à l’état de ma voiture, je n’ai pas eu le temps de la laver après la campagne », s’excuse la députée qui a battu avec 53,65% des voix son rival Morgann Vanacker, candidat du Rassemblement national, dans la 9ème circonscription de Seine-et-Marne.
Devenir députée, Céline n’en avait jamais rêvée. La socialiste était concentrée sur sa commune, Combes-la-Ville, dans laquelle elle n'avait pas réussi à se faire élire dans le passé. Quand Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 mai dernier, ce fut « un énorme choc » pour la militante. Elle s’est dit : « Soit je vis dans une caverne, soit je me bouge ».
Féministe et socialiste
Pendant ces dernières années, Céline Thiébault-Martinez s’était engagée sur des sujets féministes. Elle a œuvré pour inscrire l’IVG dans la Constitution et pour abolir la prostitution. La militante prend conscience que « ces sujets de plaidoyer qui lui tiennent à cœur ne font pas une politique pour toute la société ». Très vite, face à l’urgence d’une campagne électorale qui s’annonce fugace, elle se porte volontaire pour devenir candidate dans sa circonscription. « Macron a réussi à faire ça », rigole-t-elle.
La Seine-et-Marnaise n’a pas participé aux négociations au sein du Nouveau Front Populaire sur la répartition des candidatures. Mais le jeudi suivant, alors qu’elle sortait d’une réunion féministe à 21h, elle apprend qu’elle est investie. « Je suis prête », se dit-elle.
Après, tout est allé très vite. Cela faisait 22 ans que sa circonscription votait à droite. Céline mobilise son réseau et réussit l’exploit d’arriver deuxième au premier tour des élections législatives avec 29,65% des voix, après le RN (35,50%). Et devant la députée macroniste sortante, Michèle Peyron (21,57%). Cette dernière était qualifiée pour le deuxième tour mais s’est retirée au profit de la socialiste.
Une émulation sans précédent
De cette campagne éclair, la députée évoque « une émulation sans précédent, face à la nécessité de faire barrage au Front national ». Grâce à des boucles WhatsApp, de jeunes militants de toute la France se déplacent pour prêter main forte dans « les circo-pivot » comme la sienne. Céline s’est retrouvée dans la gare de Combes, montée sur un plot, face à 40 personnes qu’elle briefe en 5 minutes sur les problématiques de la ville avant de partir faire du porte-à-porte. D’anciens collègues et élus mutualistes sont également venus la soutenir pendant la campagne. Elle préfère préserver leur identité.
Et le 7 juillet 2024, Céline Thiébault-Martinez est élue députée de la République à l'âge de 49 ans. Elle occupe le siège 601 au sein de l’Hémicycle. Tout au long de sa carrière, elle a milité sur des sujets sociaux. Mais au lieu d’intégrer la commission des affaires sociales, elle a préféré la commission des lois. Pour agir sur le sentiment de délaissement de ses électeurs. Et afin d’avoir plus d’impact sur les sujets majeurs comme la désertification médicale, les transports et la sécurité. Cela ne l’empêchera pas de contribuer aux travaux de la commission des affaires sociales au cas par cas, indique-t-elle.
« Ce qui me plaisait dans la Mutualité c’était la dimension démocratie sociale, l’idée qu’un adhérent est une partie prenante de la mutuelle. Je pense que cet aspect-là guidera sans doute mon action », affirme-t-elle.
Vigilante sur les transferts de charges
L’un des sujets sur lesquels elle souhaite s’investir est celui du transfert des dépenses de santé de la Sécurité sociale vers les mutuelles. « Quand on est dirigeant politique, aller raconter que les mutuelles augmentent de façon inconséquente leurs cotisations en oubliant de dire qu’il y a des transferts systématiques et réguliers de la Sécu vers les mutuelles, donc vers les assurés sociaux, c’est prendre les assurés sociaux pour des imbéciles », déclare la députée. Dans le cadre de sa nouvelle fonction, l’élue est guidée par une volonté de maintenir un haut niveau de solidarité au sein de la société avec une meilleure répartition des richesses.
Sur son expérience mutualiste, elle déclare : « Le 100% santé ce n’est pas de l’argent magique. Ce sont les Français qui paient et ils paient de plus en plus. Dans les sujets que les mutuelles ont devant elles il y a le 100% santé. Il y un vrai travail à mener sur la fraude et la pédagogique auprès des assurés ».
L'école LMDE
Céline Thiebault a grandi dans une famille engagée, fille d’un père comptable et d’une mère femme de ménage. Son père était militant, membre du parti socialiste et de la CFDT. Mais dans les Ardennes, sa région de naissance, Céline était surtout populaire à l’école pour être la petite-fille du marchand de glace Martinez, une institution dans la région.
Pendant ses études d’histoire, elle rejoint le syndicalisme étudiant. Boursière, elle loge à la cité universitaire de Bordeaux, « village 3 », se souvient-elle et « vit avec pas grande chose ». À l’époque, elle militait pour que les étudiants puissent bénéficier d’une allocation d’études et d’un régime étudiant de Sécurité sociale.
Membre de l’Unef-ID, elle fait partie des 18 jeunes qui ont fondé La mutuelle des étudiants (LMDE), aux côtés d’un certain Éric Chenut, aujourd’hui président de la Mutualité Française. Parmi ses combats de l’époque, le remboursement des pilules de troisième génération.
Céline Thiébault-Martinez prend sa carte au Parti socialiste en 1995, puis fait une pause et adhère à nouveau en 2017. Elle n’a pas rejoint d’autres camarades qui ont rejoint le parti de Benoit Hamon ou de Jean-Luc Mélenchon. « Soit j’étais au PS, soit j’étais nulle part », dit-elle.
À la fac, elle soutient sa mémoire de maîtrise sur l’histoire du mutualisme avec Michel Dreyfuss. Ses travaux portent sur l’histoire de la Fédération nationale des mutuelles de travailleurs (FNMT). À presque 30 ans, elle se lance sur un master en économie de la santé. Parallèlement, elle travaille dans la fonction publique territoriale en tant que chargée de mission auprès de l’adjoint au sport de la Ville de Paris. Elle agira notamment en faveur de la mixité dans les clubs sportifs et de la révision des critères de subvention.
MNT, cabinet ministériel puis Intériale
Deux ans plus tard, elle devient directrice d’un nouveau service protection sociale de l’étudiant de la LMDE. Puis en 2010, elle décroche un poste de responsable prévention et action sociale à la Mutuelle nationale territoriale (MNT).
En 2014, Céline Thiébault-Martinez rejoint le cabinet de Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées, de l’autonomie et de l’enfance. Les deux femmes se connaissaient de longue date. Laurence Rossignol avait travaillé dans l’équipe de Céline à la LMDE. Ensemble, elles avaient également milité au sein de la gauche socialiste. Quand Laurence Rossignol devient ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Céline la suit. Elle pilotera le pôle sur les droits des femmes.
En 2017, après l'élection d'Emmanuel Macron, retour dans le monde mutualiste. Céline rejoint Intériale pour diriger l’association Atelier public, que la mutuelle de la fonction publique crée avec Axa. Ensuite, Céline Thiébault-Martinez intègre l’équipe du président mutualiste Pascal Beaubat en qualité de directrice de la communication. Quand Gilles Bachelier est élu président d’Intériale en 2019, elle devient directrice du secrétariat général jusqu’en 2021.
Après ces années mutualistes, Céline Thiebault conduit des missions pour l’organisation européenne Socieux+, notamment en République Démocratique du Congo sur la couverture sanitaire universelle. Parallèlement, elle donne des cours à Sciences Po sur le thème du vieillissement de la population.
DG de la Mutuelle des Scop et des Scic
Par ailleurs, la féministe est la présidente française pour le lobby européen des femmes, et fait du plaidoyer au niveau européen. En 2022, elle rejoint l’Institut de la Protection sociale européenne (IPSE). Elle y travaille pendant 16 mois, mais elle veut devenir directrice de mutuelle. En juin 2023, elle se fait embaucher comme DG de la Mutuelle des Scop et des Scic, qui protège les coopérateurs et leurs familles en santé et prévoyance.
Après son élection à l’Assemblée nationale, Céline Thiébault-Martinez a décidé de quitter sa fonction de DG mutualiste. Sa prochaine préoccupation est de constituer son équipe et d’ouvrir une permanence dans sa circonscription. « Après une des premières séances à l’Assemblée nationale qui s’est terminée très tard dans la nuit, Céline rentre chez elle et pense que le départ de sa fille à l’étranger pour ses études tombe au bon moment ». Elle pourra se consacrer corps et âme à sa nouvelle fonction.
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