Matthias Savignac est le nouveau président de la MGEN. Biberonné à l’activisme politique côté mère et syndical côté père, il trouve sa vocation dans l’engagement mutualiste.
Matthias Savignac nous donne rendez-vous chez Jeannette, dans les bas-fonds de la Tour Montparnasse, loin des salons calfeutrés du dernier étage du siège de la MGEN. Les terrasses viennent de rouvrir, le klaxon des voitures se mêle au tintement des couverts et au brouhaha des discussions. Matthias Savignac, 47 ans, yeux verts, barbe poivre et sel, arrive en traînant sa valise, sans cravate. Il s’apprête à rentrer à Grenoble, pour retrouver sa famille, comme chaque vendredi soir depuis 2015. Il aimerait rapatrier sa tribu à Paris mais il a encore quelques réticences familiales à vaincre.
Matthias Savignac est né dans l’Aveyron, à Villefranche de Rouergue d’une mère institutrice et d’un père qui a exercé plusieurs métiers dont assureur, quincailler, postier et mineur. « J’ai grandi dans un milieu rural nature, alors que je suis plutôt un urbain, je pense ». Quand les mines du Tarn ferment, la famille déménage à côté de Grenoble. Matthias Savignac a 12 ans et depuis cet âge, il n’a jamais quitté la région.
Matthias Savignac se décrit comme « un enfant studieux et conformiste, l’archétype du bon élève discipliné, sans vocation particulière ». Son enfance est rythmée par l’athlétisme, le basket, le ski. Le bac scientifique en poche, il fait « le choix qui était le moins cohérent, une prépa HEC option économique ». Cependant, l’idée qu’il se fait des écoles de commerce ne le séduit pas. « Je ne m’y reconnaissais pas. Ce n’était pas pour moi. Mes parents ne roulaient pas sur l’or et je ne me voyais pas leur demander de payer une école de commerce alors que je ne le sentais pas ». Pour la petite histoire, sa fille de 19 ans vient de terminer la même prépa que lui, même lycée, « sauf qu’elle, je pense qu’elle va y aller, en école de commerce », sourit-il.
Quand Matthias Savignac pose son menton sur sa main, l’on aperçoit des traces d’encre bleue sur son poignet. A 17 ans, Matthias Savignac fait son premier tatouage. Il admet en avoir « quelques-uns », car il a commencé très tôt. « Comme je n’ai pas fait de vraie crise d’adolescence, à un moment j’ai pensé que faire des tatouages faisait de moi un rebelle, avec le piercing et les cheveux longs ». Matthias Savignac assume ces traces de sa jeunesse sur sa peau : « A une époque, je faisais attention à bien couvrir mes bras avec les manches, aujourd’hui je m’en fiche. Socialement, c’est banal. Maintenant, les marginaux sont ceux qui ne sont pas tatoués », considère-t-il.
Matthias Savignac s’inscrit finalement en fac d’anglais et va jusqu’à la maîtrise. Il est vite « rattrapé par la patrouille du service militaire », après avoir repoussé cette obligation à plusieurs reprises. À l’école des pupilles de l’Air qui accueille des orphelins, il prend goût au rôle d’éducateur et il y reste pendant 12 mois. « C’était hyper confortable comme service militaire », commente-t-il.
Puis, il s’inscrit pour passer deux concours : « Comme je n’ai pas beaucoup révisé, je n’ai évidemment pas eu le CAPES d’anglais, mais j’ai eu le concours des écoles et je suis entré dans l’Éducation Nationale ».
A 25 ans, Matthias Savignac débute dans une classe de maternelle en tant que remplaçant. « Je ne me rappelais pas que le sol était si bas et qu’ils étaient si petits ». Le premier jour, après avoir salué les parents, il se retrouve face à 32 enfants. « Je leur dis ‘bonjour’ et ils se mettent tous à pleurer… ». C’est vrai que Matthias Savignac ne ressemble pas à l’image de la maîtresse que les enfants s’étaient faite.
Après cette première expérience, il est muté dans une ZEP avec des élèves de CM1 plus compliqués, toujours en qualité de remplaçant. Matthias Savignac épouse une professeure des écoles. « Nous, les instit’, on aime bien se reproduire entre nous », plaisante-t-il. En 2002, Matthias se met en disponibilité pendant un an pour s’occuper de sa fille. Il profite de cette année pour se remettre en question, constater que son métier de professeur n’était pas une vocation.
Après une année sabbatique, Matthias Savignac est affecté à 50km de Grenoble, à la Côte Saint André, dans un collège SEGPA. « L’établissement regroupe des élèves en très grande difficulté scolaire, avec des histoires familiales complexes, des enfants battus, abusés, en grande difficulté financière, qui n’arrivent pas à s’insérer dans un cadre scolaire normé ».
Dans cet établissement, il éprouve enfin un sentiment d’utilité, face à sa classe de 4ème, avec des élèves non-lecteurs pour lesquels la vie offre peu de perspectives. Après une première année, il continue, passe un diplôme pour devenir enseignant spécialisé et il reste sur ce poste de 2002 à 2007.
Modestement, Matthias Savignac estime avoir « donné quelques clés et envie à certains enfants, même si l’École de la République ne peut pas tout faire seule. Les enfants sont durs, ils ne vous portent pas forcément dans leur cœur et là, j’ai compris le type de prof que j’étais, j’étais assez autoritaire, parce qu’il le fallait. Il fallait poser un cadre ».
10 ans après, certains élèves reprennent contact pour lui donner de leurs nouvelles, lui dire qu’ils ont trouvé un boulot, qu’ils ont formé une famille et partager des souvenirs d’enfance, comme lorsque le professeur Savignac leur a fait jouer la pièce de théâtre « Suivez le guide ! » devant les autres classes du collège.
Après ces 5 années riches d’expériences, « j’ai fait une rencontre qui a changé ma vie », celle de la présidente de la section MGEN de Grenoble, Michèle Champion. Matthias Savignac est coopté et élu bénévole à Grenoble en 2006, puis détaché à temps plein en 2007. Après avoir « pas mal louvoyé », il trouve enfin sa voie pour s’engager, dans une mutuelle, sur les questions de santé et prévention.
Jusqu’à là, il avait éludé son destin de militant. Et pourtant, ses origines familiales le destinaient à un parcours d'activiste. En effet, petit, il se souvient d’avoir vu son père, syndicaliste à la CGT, rentrer la tête en vrac, après une battue des CRS pour déloger les grévistes du fond de la mine. « Je me souviens aussi de quelques fins de mois compliqués, après des semaines de grève. Ils organisaient des repas en commun entre les familles de mineurs », partage-t-il.
Sa mère, secrétaire générale du parti communiste au niveau du département, organisait des réunions à la maison. Sa grand-mère espagnole a fui Franco et son grand-père italien a fui Mussolini et ils se sont rencontrés en France. Son grand-père a même été déporté et a fait un camp de travail forcé. Et pourtant, le jeune Savignac n’était pas attiré par l’engagement politique ou syndical.
En 2011, Matthias Savignac devient administrateur de la MGEN et en 2013 Thierry Beaudet lui demande de devenir administrateur délégué, en qualité de responsable international et sur des sujets de régionalisation. Cela lui permet de voyager en Moldavie ou à Saint Pierre et Miquelon. Il a également présidé le Réseau Éducation et Solidarité, qui a pour objectif de créer du lien entre les syndicats d’enseignants à l'international et mener des projets autour de la protection sociale. Ses connaissances en anglais et espagnol lui ouvrent les portes au poste de responsable des affaires internationales de la FNMF.
La MGEN lui a offert « la chance de pouvoir faire un deuxième parcours » et de passer deux masters, le premier sur le droit des ressources humaines et la protection sociale et le deuxième sur la gouvernance mutualiste.
Sa candidature à la présidence de la MGEN a fait l’objet d’un vote au sein du conseil d’administration. Matthias Savignac l’a remporté de justesse face à Eric Chenut, même si « au fond, les deux projets n’étaient pas très différents », selon le candidat retenu.
Quand on lui demande s’il est le candidat de Thierry Beaudet, Matthias Savignac ne le nie pas. Il dit être proche de Thierry Beaudet car c’est lui qui lui a proposé de devenir administrateur.
Après avoir avalé son café, Matthias Savignac file à la gare. Ce week-end, il a prévu d’aller jouer au basket avec son fils. Et cet été, il va passer 15 jours dans la maison familiale de l’Aveyron, comme tous les ans. Éternel retour aux sources.
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