Présidentielle 2022 : Quatre candidats face aux mutualistes
Prévention, déserts médicaux, perte d’autonomie… Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Fabien Roussel et Valérie Pécresse ont détaillé leurs programmes santé pour l’élection présidentielle dans le cadre du grand oral de la Mutualité Française.
Alors que tous les yeux sont rivés sur la guerre en Ukraine, la Mutualité Française a tenté de placer les enjeux de santé dans la campagne électorale. Malgré les efforts des mutualistes, seulement quatre candidats à l’élection présidentielle ont répondu présent au grand oral de la Mutualité Française organisé au Palais Brongniart. Initialement confirmés, Christiane Taubira et Eric Zemmour ont finalement décliné l’invitation. La première afin de se concentrer sur l'obtention de parrainages et le deuxième en raison du conflit armé en Ukraine. Le grand absent du débat a été le pas encore candidat Emmanuel Macron.
En introduction, Eric Chenut, président à la Mutualité Française, a invité les candidats à répondre aux enjeux de la transition écologique, démographique et numérique. Des enjeux qui vont dans les prochaines années « ré-interroger la finalité de la protection sociale et la répartition de l’effort entre la solidarité nationale et la responsabilité individuelle et collective ». Le président mutualiste a également invité les politiques à « impulser une politique de la santé publique et de la prévention pour garantir la soutenabilité de notre système de protection sociale et prévenir la financiarisation su système ». Enfin, Eric Chenut a affirmé qu’il est nécessaire de « lever des freins économiques, fiscaux et prudentiels qui brident les acteurs de la protection sociale dans l’innovation ».
Yannick Jadot, priorité à l’hôpital
Yannick Jadot souhaite mettre la santé environnementale au cœur de son action, combattre l’exposition aux pesticides et à la pollution. « La France consacré 1,8% de son budget santé à la prévention. Nous devons passer d’une politique du soin à une politique de la prévention », a insisté le candidat écologiste. Par ailleurs, Yannick Jadot veut « remettre l’hôpital public au cœur de la politique de santé » afin de faciliter l’accès aux soins. Il souhaite accorder des moyens supplémentaires à l’hôpital, recruter 100.000 infirmières supplémentaires et augmenter les salaires. Afin d’améliorer l’espérance de vie en bonne santé, Yannick Jadot propose de « reconstruire un compte personnel de prévention des risques de pénibilité ». Par ailleurs, il imagine une « protection sociale démocratisée » et reconnaît « la légitimité du rôle des mutuelles ».
Sur le thème des addictions, il souhaite favoriser une alimentation saine, faire de l’obésité une affection longue durée, complètement prise en charge par la Sécurité sociale, garantir une heure de sport par jour aux enfants et 30 minutes aux adultes. Sur le thème de la santé mentale, il propose de créer 2.000 postes d’infirmières et personnel médico-social dans les écoles pour accompagner les jeunes.
Yannick Jadot propose de créer « une sécurité sociale alimentaire » via la création d’un chèque alimentation pour permettre aux familles les plus vulnérables de se nourrir correctement. Pour y parvenir, il veut s’appuyer sur la mise en place d’un revenu citoyen d’au moins 920 euros, ce qui devrait permettre « d’éradiquer la pauvreté ». Yannick Jadot plaide également pour une TVA à 0% sur les produits bio.
Pour mettre en terme aux déserts médicaux, le candidat écologiste souhaite partir des besoins de santé spécifiques des territoires. Les ARS deviendraient des centres de coordination de l’offre de soins au niveau local. Il est même prêt à mettre un terme à la liberté d’installation des médecins. Ils seraient obligés de faire la dernière année d’études et les deux premières années d’exercice dans un désert médical. Il évoque également le « conventionnement sélectif. « S’il faut une obligation d’installation pour que les Français aient accès à un médecin, je l’assume », déclare Yannick Jadot.
Concernant la perte d’autonomie, Yannick Jadot réagit au scandale d’Orpea en interdisant l’installation de nouveaux Ehpad à but lucratif. Il veut faire monter le taux d’encadrement dans les Ehpad de 6 soignants à 8 soignants pour 10 résidents. Sa réforme sur le droit des successions doit lui permettre de dégager de 8 à 9 milliards d’euros pour financer la perte d’autonomie. Enfin, il se dit favorable à l’euthanasie.
Anne Hidalgo en faveur des plus fragiles
La candidate socialiste Anne Hidalgo veut mettre un terme à « l’hôpital entreprise » et réformer l’ondam. Elle propose de bâtir un système de financement de l’hôpital public en partant des besoins de santé publique de la population, en associant les territoires et les corps intermédiaires. L’idée est « d’attribuer les moyens en fonction des besoins et pas selon des critères comptables ».
Pour répondre aux déserts médicaux, elle veut former 15.000 médecins de plus par an et à court terme, obliger les étudiants en médecine à faire leur quatrième année dans un désert médical, en leur promettant une rémunération de 3.500 euros par mois. Pour 2022, 4.000 jeunes médecins seraient affectés à des déserts médicaux.
Anne Hidalgo a insisté sur la nécessité de mener une politique de santé publique, d’investir dans l’activité physique « qui doit se pratiquer partout », afin d’améliorer l’espérance de vie en bonne santé des Français.
Anne Hidalgo a également rappelé son opposition à la Grande Sécu : « Vous êtes celles et ceux qui font vivre cette démocratie sanitaire. Je suis hostile à l’idée d’une Grande Sécu qui serait une bureaucratisation du système de santé », a-t-elle déclaré face à un parterre de mutualistes soulagés.
Anne Hidalgo a promis 14Mds d’euros de dépenses nouvelles sur les domaine social et la santé qui seraient financées grâce à 50Mds d’euros de recettes nouvelles. Elle a cité parmi les sources de revenus, le rétablissement de l’ISF la réforme des droits de succession, la ré-industrialisation du pays (qui devrait permettre de dégager 10Mds d’euros).
Face aux nouveaux enjeux de santé, Anne Hidalgo souhaite faire de la santé mentale la grande cause de son quinquennat et diminuer de 20% le nombre de suicides. Elle évoque le recrutement de psychiatres et de psychologues ainsi que la prise en charge par la sécurité sociale des consultations psychologiques. Anne Hidalgo se dit consciente de la fragilité humaine et du rôle de la démocratie pour protéger les plus vulnérables. Cela passe par le rétablissement des critères de pénibilité pour permettre aux personnes ayant exercé un métier pénible de partir à la retraite avant 60 ans ou encore par l’individualisation de l’allocation adulte handicapé.
Fabien Roussel, une sécurité sociale avec les mutuelles
Fabien Roussel, candidat du parti communiste souhaite « rétablir la France des jours heureux ». Il a pointé du doigt la « marchandisation de la santé » et a prononcé un discours en faveur du mouvement mutualiste. « Les désengagements successifs de la Sécurité sociale, des déremboursements, le rac zéro financé par les mutuelles, les dépassements d’honoraires à gogo, les taxes prélevés sur les mutuelles, tout cela a fortement augmenté le coût de nos mutuelles santé », a déclaré Fabien Roussel. Il a également pointé la concurrence des assurances privées et solvabilité 2. En conséquence, « l’accès aux soins est mis en cause tant par l’affaiblissement de la sécurité sociale comme des mutuelles » a-t-il déclaré.
Il propose « une sécurité sociale du XXIème siècle » dans laquelle le mouvement mutualiste aurait toute sa place. Fabien Roussel s’oppose à une « Grande Sécu qui n’est qu’un panier de soins limité et une individualisation complète des charges ». Le candidat communiste propose une prise en charge à 100% par l’assurance maladie de tous les soins, et pas uniquement des affections de longue durée.
Dans son discours, il a évoqué, une « prise en charge des la perte d'autonomie, réellement financée ». Pour Fabien Roussel, ce financement doit reposer sur la solidarité nationale et les cotisations sociales. Il propose de moduler les cotisations patronales en fonction de la politique d’embauche et de formation. Il veut également mettre à contribution les revenus du capital.
Il se dit prêt à lancer le débat et suggère d’augmenter de 5 à 10 euros par mois les cotisations salariales et patronales pour garantir une prise en charge totale de la dépendance dans le respect de la dignité. Fabien Roussel souhaite augmenter le taux d’encadrement dans les Ehpad pour atteindre un soignant par résident. Pour cela, il serait nécessaire de créer 300.000 emplois en Ehpad et 100.000 aides à domicile sur trois ans et dès 2022.
Par ailleurs, il propose de rassembler l’ensembles des principaux acteurs du médicament dont Sanofi au sein d’un pôle public du médicament qui prendrait la forme d’un epic (établissement public). Avec des moyens financiers de l’État, son objectif est de relocaliser la production de médicaments et d’investir dans la recherche et la production.
Dans son programme, Fabien Roussel propose également d’encadrer voire supprimer les dépassements d’honoraires pour un retour à un secteur conventionnel unique. Pour lutter contre les déserts médicaux, il se dit favorable à la mise en place de mesures coercitives, comme par exemple, autoriser l’installation des médecins dans une zone sur-dotée uniquement lorsqu’un médecin part à la retraite.
Valérie Pécresse favorable à la décentralisation
Valérie Pécresse, candidate LR, propose de décentraliser l’offre de soins et de faire du département le pilier de la politique médico-sociale y compris la médecine scolaire. Cela permettrait de partir des besoins de santé et de donner plus d’autonomie à la fois aux territoires, aux hôpitaux et aux professionnels sur le terrain.
Autre mesure phare pour lutter contre les déserts médicaux, le « statut docteur junior ». Les étudiants en médecine généraliste seraient obligés à faire une quatrième année d’études dans un désert médical. « 4.000 médecins généralistes seront envoyés dans les territoires carenciers. Pour l’instant, en 2022, ce serait sur la base du volontariat, et à partir de 2025, ce sera obligatoire », a précisé Valérie Pécresse. En contrepartie, elle veut porter le prix de la consultation avec un médecin généraliste de 25 à 30 euros. Le surcoût serait pris en charge par la Sécurité sociale, ce qui aurait un coût d’1,2 milliard d’euros par an. Par ailleurs, elle demande une révision des prix de tous les actes et toutes les spécialités.
Elle propose par ailleurs de décloisonner l’hôpital public et privé, de donner davantage de compétences aux pharmaciens et aux sages-femmes afin de diviser par deux le délai pour avoir accès aux soins, à moins de 30 minutes de chez soi. Pour combattre les déserts médicaux, elle envisage d’installer des cabines de téléconsultation dans les pharmacies.
Comme les autres candidats, elle veut « faire la révolution de la prévention » avec un objectif précis : « d’ici 10 ans, gagner trois ans d’espérance de vie en bonne santé en France, qui est actuellement de 64 ans ».
Sur l’hôpital, elle souhaite avoir 25.000 soignants supplémentaires. Pour y parvenir, Valérie Pécresse souhaite doubler le nombre de médecins formés. Elle propose par ailleurs d’intégrer dans la tarification hospitalière une part de rémunération selon la qualité des soins reçus et les délais de traitement. Pour ce faire, elle souhaite recueillir l’avis des patients via des questionnaires de satisfaction.
En outre, Valérie Pécresse a intégré dans son programme les effets de la crise sanitaire. Elle considère nécessaire d’organiser le personnel de santé afin de faire face au rattrapage des soins qui n’ont pas pu être effectués pendant la crise sanitaire. L’ancienne ministre de la Recherche veut également lancer un programme de recherche sur le covid long et sa prise en charge.
Dans le domaine de la perte d’autonomie, Valérie Pécresse suggère de mettre en place un cahier de charges plus contraignant. Elle propose d’augmenter le taux d’encadrement en Ehpad de 25% afin d’avoir au moins 8 soignants pour 10 résidents et d’augmenter de 10% le salaire net des professionnels du grand âge.
Interrogé sur le scénario de Grande Sécu, Philippe Juvin, conseiller santé de Valérie Pécresse, considère que ce scénario est théorique et ne résout pas le déficit de la Sécurité sociale. La candidate LR serait par contre ouverte à la distinction des paniers de soins entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires, mais elle pense que "c’est un chantier immense et qu’aujourd’hui la France n’est pas prête". La candidate LR serait ouverte à mener une réflexion pour augmenter le plafond d’éligibilité à la complémentaire santé solidaire pour les retraités afin d’améliorer l’accès des retraités modestes à une complémentaire santé, toujours selon son conseiller santé Philippe Juvin.
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