Pros / Entreprises : Les détails du grand ménage chez MMA
Contraint à un plan de redressement technique sans précèdent, MMA procède depuis ce printemps à de nombreuses résiliations de portefeuilles ainsi qu'à des revalorisations tarifaires sur le marché des pros et des entreprises. Une situation qui inquiète son réseau d’agents généraux et qui pourrait faire baisser légèrement le chiffre d’affaires de la compagnie.
Devant des résultats techniques dégradés sur ses affaires pros et entreprises, MMA a engagé un ménage sans précédent de son portefeuille depuis le printemps 2024. L’assureur mutualiste a initié un vaste plan de redressement qui passe à la fois par une politique de résiliation volontariste de portefeuilles, couplée à des revalorisations tarifaires.
Révélé par nos confrères de l’Argus de l'assurance, ce plan vise à rétablir des ratios combinés 2023 dont les niveaux « ne sont plus acceptables », explique l’assureur dans un courrier envoyé à ses agents généraux et que News Assurances Pro a pu consulter (voir notre infographie ci-dessous).
« Les résultats 2023 dégradés nous ont obligé à devoir opérer des mesures fortes. C’est un choix assumé face à une situation qui n’est pas simple et pour laquelle nous essayons d’agir vite et le mieux possible, explique à la rédaction Stéphane Jean, le directeur des marchés professionnels et entreprises de MMA. Nous avons communiqué très tôt à nos agents et courtiers ce plan dont l’objectif est un retour à une trajectoire de souscription vertueuse et un chemin de croissance à l’équilibre ».
Devenir plus technique
Peu habituée à ce type de manœuvre, la compagnie veut tourner cette page difficile rapidement. Depuis juin dernier, MMA taille donc dans le vif avec une longue liste de segments à résilier.
Pour les marchés "Professionnels", l’assureur réduit ainsi la voilure en ICSPL sur certaines activités de services (blanchisserie, teinturerie, ramonage, institut de sauna, etc ), de loisirs (centres de remise en forme, exploitants d’attractions foraines, location de courte durée de bicyclettes), des commerces de détails alimentaires et non-alimentaires, des activités d’hôtel, bar, restauration, de fabrication, installation et réparation industrielle (agro-alimentaire, fabrication de meubles). Idem pour certains commerces de gros ou encore les activités d’entreposage et de conditionnement.
Ces résiliations « sur la base de l’activité principale uniquement », également soumises aux superficies des bâtiments, concernent aussi plusieurs activités liées au BTP (hors PU) ou certains contrats des marchés professionnels de l’auto, agricoles, immeubles (PNO/PNE) ou flottes.
Même constat pour le marché des entreprises
Même constat pour le marché "Entreprises" où MMA résilie certains contrats qui ne sont plus rentables. C’est notamment le cas dans les branches DAB, RC, construction, flotte, maritime et transports, immeubles, sports et loisirs.
« Nous procédons à des résiliations, mais nous ne sortons pas de segments de marché, sauf exceptions où la rentabilité est moindre (constructeurs de maisons individuelles, certaines activités en sport et loisirs) », se défend Stéphane Jean. Sur nos lignes de business principales comme le DAB où la construction, nous souhaitons revenir à une exposition modérée. En BTP, nous considérons que nous avons une part de marché trop prépondérante et nous devons retrouver l’équilibre. De même, il est faux de dire que nous sortons des flottes où nous avons déjà opéré des corrections pour maintenir des politiques de souscriptions sans rupture. Nous restons également actifs sur les marchandises transportées, le transport ou les risques techniques. In fine, MMA veut devenir sur ces marchés une compagnie plus technique ».
Revalorisations tarifaires
En parallèle de sa campagne de résiliation, l’assureur a aussi engagé une politique de hausse de tarifs sur affaires nouvelles pour ses clients Pro-PME.
Dans son dernier "Memento Pros" que la rédaction a également pu consulter, l’assureur indique ainsi que depuis le 30 mai dernier, de nouvelles revalorisations tarifaires sont en vigueur. Suivant la qualité des risques, ces majorations peuvent aller jusqu’à +37% pour les boucheries, charcuterie, boulangerie et pâtisserie artisanales. De même pour la restauration rapide et la vente et réparation de cycles. Côté radiologie, certains tarifs ont crû de 22% « et un complément sur bris de machine +100 % à +200% », indique l’assureur. La vente de cheminée a pu prendre +20% comme les hôtels-restaurants, contre +30% sur la mécanique générale. « En complément, nous revalorisons deux garanties avec des S/C très élevés de respectivement 106% et 254% (toutes activités confondues) : Garanties dégâts des eaux : +25% / Garantie Tempête Grêle Neige : +100% », précise ensuite MMA.
De fortes augmentations tarifaires
« Ces résiliations auront le motif 'Changement de la politique d’acceptation des risques par l’entreprise d’assurance' afin de ne pas pénaliser vos clients, explique la compagnie à ses agents. Ces résiliations sont impératives pour un retour rapide à la rentabilité et ne peuvent être remises en cause. Les contrats concernés ne doivent en aucun cas être resouscrits dans un autre périmètre produit MMA ».
Du côté des revalorisations tarifaires infra-annuelles, celles-ci atteindront cette fois 4,9% en moyenne sur les contrats en renouvellement standard (+7,2% en DAB, +3,5% en flottes, +8% en pros de l’auto, +4,9% sur les autres produits. « Ces hausses de tarifs sont des résiliations déguisées. Aucun client n’acceptera de payer dans un contexte économique encore compliqué pour les entreprises », lance un autre agent.
« Nous ne faisons que corriger et replacer nos cotisations au bon niveau. Cela peut parfois paraître excessif, mais nous ne faisons que revenir à des niveaux techniques acceptables », argue pour sa part Stéphane Jean.
Accompagnement des agents
Devant ces mesures, les agents généraux du réseau ne cachent pas leur inquiétude. « Ces mesures sont trop brutales et heurtent de plein fouet notre agence. C’est plus de 30% de notre activité qui va disparaître l’an prochain », témoigne sous couvert d’anonymat un agent du Centre de la France. Alors que certains s'alarment de la perte de plusieurs centaines de milliers d’euros de business ces dernières semaines, la question de la valeur des Indemnités Compensatrices (IC) est également posée.
Sollicité par la rédaction, le Sagamm (syndicat des agents généraux MMA) n’a pas souhaité faire de commentaire. De son côté la compagnie précise : « nous ne prenons pas ces décisions à la légère. Ces mesures de redressement sont peu courantes chez MMA et nous ne sous-estimons pas leur incidence. Elles auront donc un impact sur les commissions des agents, qui étaient en progression depuis près de 10 ans sur les pros / entreprises. Nous estimons que pour 80% du réseau, il sera inférieur à 5%, voire inférieur à 2,5% pour près de la moitié des agents. Pour les plus impactés, notamment ceux dont les activités sont les plus sensibles, nous essayons de les accompagner au cas par cas », indique Stéphane Jean.
Avec un chiffre d’affaires pros / entreprises qui atteignait les 2,6Mds d’euros fin 2023, MMA est aujourd’hui le deuxième assureur sur ce marché en France. « Le CA 2024 devrait être dans la même tendance ou enregistrer une légère baisse, à confirmer début 2025, poursuit le directeur des marchés professionnels et entreprises. L’ensemble de nos actions visent ainsi à ne plus perdre d’argent et à redresser notre rentabilité avec une meilleure marge technique. Notre ambition est de rester un acteur généraliste des risques d’entreprises ». MMA Iard enregistrait fin 2023 un résultat net négatif à -136M d’euros (contre -5M d'euros en 2022) selon son dernier rapport SFCR.
*ICSPL (Industries, commerces, services et professions libérales) **ICS DAB (Industries, commerces, services, dommages aux biens)
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