Retraite : Le Medef propose de reculer l’âge légal de départ
Alors que la concertation sur la réforme des retraites touche à sa fin, le Medef formule ses propositions règlementaires et managériales pour reculer l’âge légal de départ à la retraite et favoriser l’emploi des seniors.
Jean-Paul Delevoye, pilote de la concertation sur la réforme des retraites avait bâti sa concertation sur des principes simples : construire un régime universel de retraite par répartition et par points, dans lequel un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous, quel que soit le moment où il est cotisé et quel que soit le statut de la personne. Il s’était surtout engagé à maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et à maintenir la même enveloppe de dépenses dans les mêmes proportions (314 milliards d’euros, dont 20% sont consacrés au financement des dispositifs de solidarité).
« Il faut sortir de ce message par omission qui consiste à dire que l’on ne va pas bouger l’âge légal de départ à la retraite. Il faut dire la vérité aux Français », a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, accompagné de Claude Tendil, président de la commission protection sociale. Des membres du gouvernement dont Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, ont également déclaré ces dernières semaines qu’il faudrait « travailler plus ».
De 62 à 64 ans
Le Medef soutient qu'un rallongement de la durée de cotisation est nécessaire pour pouvoir offrir un niveau de retraite décent. A partir de 2020, l'organisation patronale propose de relever l’âge légal de 62 à 64 ans sur 8 ans, à raison d’un trimestre par an. A partir de 2028, le Medef propose d’indexer mécaniquement l’âge légal sur l’évolution de l’espérance de vie. Ce rallongement de l’âge de départ s’explique, selon l’organisation patronale, par une augmentation de l’espérance de vie de plus de 10 ans entre 1970 et 2015 et par une baisse du ratio cotisants/retraités qui est passé de 6 cotisants par retraité en 1945 à 1,3 cotisant par retraité à horizon 2060. « Nous voulons une réforme robuste financièrement qui reste solidaire et qui soit pérenne », a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux.
Pour financer la dépendance
Cette mesure de recul de l’âge rapporterait un bénéfice net de 17 milliards à horizon 8 ans si les projections d'emploi et de croissance se confirment, selon le Medef. Cet excédent pourrait être affecté au financement de la dépendance, dont le coût est estimé à 9,2 milliards d’euros à horizon 2030 par le rapport Libault. Le Medef propose également de consacrer cet excédent à adapter l’offre de soins aux pathologies du vieillissement, une préconisation du rapport Libault.
Cantonner les réserves
Le système universel implique la fusion des 42 régimes de retraite existants, avec les 70 milliards de réserves constituées par l’Agirc-Arrco et les régimes spéciaux. Geoffroy Roux de Bézieux a dénoncé ce système qui consiste à « confisquer les réserves des régimes des fourmis pour financer le régime des cigales ». Le président du Medef propose de cantonner les réserves des différents régimes au sein du système universel.
Fiscalité et cotisations, pas dans le même panier
Le Medef propose de distinguer ce qui relève de la solidarité et ce qui relève du contributif en créant deux étages : un socle commun de solidarité, géré par l’Etat et financé par l’impôt et un deuxième étage intégralement contributif et financé par les cotisations. "Nous voulons éviter qu'un euro cotisé vienne financer des dispositifs de solidarité", a expliqué Claude Tendil, qui considère "ambitieux" l'objectif de parvenir à un projet de loi d'ici la fin de l'année.
Même rythme pour tous les régimes
Le Medef veut mettre en place un système de retraite par points pour tous les régimes, avec un même rythme pour les régimes public et privés, avec une convergence totale en matière d’âge, droits familiaux, assiette de cotisations...).
Continuer à cotiser pendant la retraite
L’organisation patronale rappelle que le taux d’emploi des 60-64 ans en France est de 29,2%, mais reste 17 points en dessous de la moyenne de l'OCDE (46,3%). Le Medef avance des pistes pour favoriser l’emploi des seniors et la transition emploi-retraite. Il propose de réformer le mécanisme de cumul emploi-retraite en permettant au salarié qui décide de travailler pendant sa retraite de cumuler des points retraite afin de pouvoir revaloriser sa pension au moment de la cessation d’activité.
La retraite progressive reste méconnue
Parmi les autres dispositifs, le Medef veut encourager le recours à la retraite progressive, un mécanisme peu connu en France qui permet aux salariés du privé de cumuler dès 60 ans une activité professionnelle à temps partiel avec une fraction de la future pension, tout en continuant à acquérir des droits retraite jusqu’à la liquidation. Ce mécanisme est seulement utilisé par 11.500 bénéficiaires en 2017. Le Medef propose de l’élargir aux cadres et aux fonctionnaires.
Les demandeurs d'emploi seniors
Pour les demandeurs d’emploi seniors, le Medef propose de s’inspirer des pays nordiques et d’instaurer une aide différentielle pour les demandeurs d’emploi qui reviennent vers un emploi moins rémunéré. Le salarié accepte une rémunération moindre, et l’assurance chômage complète son revenu grâce à un mécanisme de solidarité.
Par ailleurs, le Medef veut inciter les branches professionnelles à introduire des mécanismes d’emploi des seniors ou de transition emploi-retraite, comme c’est déjà le cas dans la branche du Crédit Mutuel, qui a mis en place des dispositifs d’accompagnement des salariés en fin de carrière.
Quelle place pour la retraite supplémentaire ?
Même si le futur système de retraite sera par répartition, la part de la retraite supplémentaire et des mécanismes par capitalisation sont fortement encouragés par la Loi Pacte. "La loi pacte joue un rôle positif. La suppression du forfait social sur les dispositifs PEE et autres est une bonne nouvelle". Geoffroy de Bézieux a également commenté la pérennisation de la prime exceptionnelle, une mesure qui devait être annoncée par Emmanuel Macron le 15 avril mais dont l'annonce a été reportée suite à l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. "Nous avons poussé pour la pérennisation de la prime exceptionnelle, dite Macron, mais sous forme d’intéressement simplifié, parce que cela permet de donner un choix entre une disponibilité en cash et un début de capitalisation avec une forme d’épargne retraite", explique Roux de Geoffroy.
Enfin, le Medef entend jouer un rôle important dans la gouvernance du futur système de retraite, au même titre que les autres partenaires sociaux. "Il serait malvenu que dans la gouvernance du futur système de retraite, on ne garde pas les acteurs qui ont montré une certaine forme de responsabilité dans le pilotage de l’Agirc-Arrco".
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