L'ANI pose de nombreux problèmes techniques mais aussi des problèmes éthiques. Le lobbying des syndicats pour réintroduire les désignations de branche n'avait semble-t-il pas d'autre but que de les faire devenir incontournables sur l'évolution de la protection sociale.
Chacun est enclin à dire que l'ANI est une bonne chose dans le sens où cet accord généralise la complémentaire santé à tous les salariés mais beaucoup se battent pour faire disparaître de la transposition du texte les clauses de désignation. Jouons les naïfs un instant et demandons-nous si cet ANI aurait d'autre fins que de faire du social ? Olivier Arroua, associé du cabinet Selenis, spécialisé dans les secteurs de la protection sociale, de l’assurance et de la banque explique que "l'ANI est une fausse bonne idée". "Cet accord ne découle que d'une motivation purement politique. Tout cela a été monté pour organiser le transfert des dépenses de la Sécurité sociale vers les complémentaires. Cet ANI est fait pour que cette logique se mette en place et que le mécanisme soit indolore pour les Français. La transposition du texte est dogmatique. Les syndicats ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour que les clauses de désignation soient réintroduites dans le texte, dans le but de devenir co-décisionnaires et donc incontournables dans les négociations sur l’évolution de la protection sociale." Ainsi donc,comme nous l'avions constaté dans nos articles précédents, le lobbying a été plus fort que l'intérêt public. D'ailleurs, début janvier lors de la rédaction de cet accord, le Medef et la FFSA avait aussi usé du lobbying pour faire pression dans l'autre sens, c'est à dire pour que les entreprises gardent le pouvoir de choisir leur organisme assureur. Un lobbying qui continue toujours auprès des députés avec le renfort de l'Apac.
L'accord signé met en place une généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés mais en proposant un panier de soins minimum. "Une couverture de faible niveau aura des effets pervers. ANI conduira les petites et moyennes entreprises à accroître leur masse salariale et de fait les augmentations de salaires en pâtiront," précise M.Arroua.
Un "chèque mutuelle"
Autre effet néfaste selon lui, l'explosion du marché de la sur-complémentaire. "La vraie bonne idée en terme de santé obligatoire aurait été d'imposer un chèque mutuelle de 20 ou 30 euros par mois. Le salarié aurait été libre de choisir son assureur et sa couverture. Ou alors il aurait été judicieux d'adopter le principe de labellisation avec participation libre de l’employeur comme ce qui a été fait pour la fonction publique territoriale et chacun se serait couvert selon ses propres besoins."
Autre problème, aucune disposition n'a été prise pour les salariés qui quitteraient leur entreprise à la suite d’un licenciement, d’une démission ou d’un passage en retraite. Leur contrat complémentaire santé ne sera plus pris en charge pour moitié par l'entreprise et une fois sorti du système collectif, les organismes d'assurance peuvent majorer ce contrat de 50% (Loi Evin). "La personne qui payait 30 euros en entreprise peut se voir proposer par le même organisme assureur un contrat individuel à 90 euros pour les mêmes garanties. De même, quid des doubles couvertures pour un couple salarié", commente l'expert.
Les régimes collectifs frais de soins mis en place seront très probablement déficitaires du fait de la pression des négociateurs de branche et donc que leur pérennité technique sera relative. "Les organismes d’assurance signataires essaieront donc par tout moyen de combler leur déficit par des ventes de contrats individuels. Enfin, un accord collectif obligatoire de branche conduit nécessairement à une perte de proximité et de qualité de service. Et in fine, les PME financent les déficits des grandes entreprises de la branche…"
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