SÉRIE DE TÉMOIGNAGES - Quand elle a débuté, Sylvie* subissait "la double peine", être femme et jeune. Elle a encaissé de multiples commentaires sexistes, comme si sa présence au comex était une anomalie.
Sylvie a tout entendu, pendant ses débuts. Jeune, elle accède à un poste important. « Elle a probablement couché pour en arriver là », entend-elle. Même en dehors de l’entreprise, son ascension est remarquée. « Tu es venu avec ta belle plante ? », demande un client grivois au directeur général.
Un jour, un directeur extrêmement bien intentionné qui avait roulé sa bosse lui dit : « Sylvie, il faudrait que tu ailles voir un psy, parce qu’une femme qui s’investit autant dans son travail, avec une telle ambition, elle veut certainement combler un manque affectif ».
Réduite à sa condition de femme
Pendant sa carrière, elle a été parfois réduite à sa condition de femme. En comex, quand elle exprime son désaccord sur un sujet, on lui a déjà répondu : « Ce n’est pas la bonne période du mois ? » ou bien « Ah ! C’est les hormones ». D’autres hommes l’ont vraiment considérée d’égal à égal, et elle insiste pour que les écarts de certains n’entachent pas la réputation de toute la population masculine de l’assurance.
Comme d’autres directrices, elle a le sentiment de devoir en faire plus pour prouver qu’elle a les compétences, comme si elle devait s’excuser d’être là et se justifier en permanence d’occuper un poste de direction. Dans un environnement « très macho » , elle a dû se battre, mais cela ne l’a pas empêché de réussir.
Un autre jour, son N-2 reçoit un partenaire au bureau et au milieu de la discussion, il lui demande : « Sylvie, peux-tu aller nous chercher des cafés ? Nous, on parle de choses importantes ». Ils sont encore en train de les attendre, leurs cafés.
« Ma cocotte »
Paternaliste, un chef adorait l’appeler « ma cocotte » et souvent remarquait : « C’est dommage, tu n’as pas mis ta jupe aujourd’hui ». Après avoir perdu un appel d’offres, il ose lui reprocher : « Si tu avais mis ton tailleur, nous aurions peut-être remporté le contrat ».
Elle constate que personne ne recale la personne qui prononce des propos déplacés. Au début, elle était désarçonnée, elle ne savait pas quoi comment réagir. Aujourd’hui, elle est plus armée, elle répond soit sèchement soit avec de l’humour. Elle coupe court : « Je les remets tout de suite à leur place ».
Malaise
Des avances, elle en a toujours reçues, même sur LinkedIn. « Dans ce cas là, je suis dure, je mets une distance, je me protège », confie-t-elle. Parfois Sylvie se sent physiquement envahie. Par exemple, elle remarque qu’on lui fait la bise alors que les hommes se serrent la main.
Un jour, en séminaire, elle s’est sentie mal à l’aise, à la limite de l’insécurité. « Nous dormions sur place, je trouvais qu’ils avaient bu, qu’ils étaient physiquement trop proches, qu’ils me parlaient trop près. Je suis allée me coucher et j’ai calé une chaise contre ma porte », confie-t-elle.
Des remarques sur la vie privée
Voyant qu’elle tardait à faire un enfant, certains hommes se sont inquiétés de son horloge biologique : « Ce n’est pas bien, Sylvie, tu travailles trop, tu es trop ambitieuse. Tu vas le regretter plus tard ». Elle n'hésitait pas à les envoyer balader.
Elle est enceinte quand un chasseur de tête lui propose un super poste. Elle veut passer son tour mais le recruteur décide de décaler le processus de recrutement et finalement elle est retenue. Maintenant qu’elle se retrouve au sommet, elle constate que les femmes de son comex sont plus bosseuses et vont travailler davantage leur dossier que certains hommes.
Sylvie pense que les femmes sont aussi responsables que les hommes de certaines inégalités. « En entretien de fin d’année, un homme demande toujours une augmentation de salaire alors qu’une femme demande si elle a bien travaillé », regrette-t-elle.
Comment se fait-elle respecter ? « Je sais prendre des décisions et suis courageuse pour dire les choses en face. Je suis dans la stratégie mais aussi dans l’opérationnel et cela impose le respect de mes collègues ». Sylvie ne pense pas qu’il faille être dure ni taper du poing sur la table pour s’imposer. « On peut manager sans être dans le copinage et sans être autoritaire. Je suis très coopérative, nous sommes une équipe et on y va ensemble ».
Avec ceux qui ont du mal à accepter son autorité, elle est extrêmement distante. Et elle est intransigeante avec les commentaires sexistes du genre : « Ça c’est le problème des femmes ! », prononcé à propos d’une collaboratrice qui doit s’absenter pour aller chercher son enfant à l’école.
Comment est-elle arrivée jusque là ? « Mon mari a été mon meilleur manager », reconnaît-elle. « Il m’a toujours poussée et soutenue ». Elle pense que les hommes savent se rendre service et sont très forts pour constituer des réseaux, en mode « club cigare ». « Entre femmes, on ne se file pas de coup de main, on se file du courage, on se mentore », considère-t-elle.
*Le prénom a été modifié Retrouvez les autres témoignages de la série "Paroles de Femmes de l'assurance" iciÀ voir aussi
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