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Adrien Couret : L’heure des choix face à la hausse des sinistres climatiques

vendredi 19 janvier 2024
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Adrien Couret est directeur général d'Aéma groupe.

TRIBUNE - Adrien Couret, directeur général d'Aéma groupe, pointe la hausse des sinistres climatiques et signale que depuis 2022, les charges des assureurs sont supérieures à leurs ressources. Cette tribune est publiée dans notre magazine sur le Bilan 2023 de l’assurance.

Sécheresse, tempêtes, inondations… Ces deux dernières années nous ont montré que nous entrons dans une ère où ce qui était autrefois exceptionnel devient désormais la norme. Dans ce monde nouveau, l’assurance devient un sujet politique et social majeur. Face à ce changement de cycle, notre secteur traverse actuellement une crise sévère et, avec lui, le système de protection, qui peine de plus en plus à répondre aux besoins croissants des Français. En cause, d’abord, les événements climatiques et la spectaculaire hausse de la sinistralité qu’ils entraînent. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, le coût des catastrophes naturelles a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde pour la quatrième année consécutive. En France, les tempêtes Ciaran et Domingos, pour ne citer qu’elles, ont occasionné à l’automne dernier 517 000 sinistres pour une facture de 1,3 milliard d’euros. Sans parler des inondations de décembre et janvier dans le Nord, qui ont causé des dégâts considérables dans plusieurs centaines de communes.

Un changement de paradigme

L’ampleur des dégâts causés par le changement climatique et la fréquence de ces événements se voient croissants. Et si les assureurs sont en première ligne pour accompagner les sinistrés face aux effets dévastateurs du changement climatique, c’est bien là leur raison d’être, ils ont aussi un rôle décisif à jouer dans la lutte contre ses causes, en amont et en prévention. Dans les années à venir, nous verrons cette sinistralité augmenter sans cesse. Pour l’assurance, c’est plus qu’un changement de cycle : c’est une rupture. Elle nous heurte de plein fouet et s’ajoute à une conjoncture déjà difficile, entre l’inflation qui touche tout ce que nous réparons, des pièces de rechange automobiles aux tuiles, et le récent transfert de charges de la sécurité sociale. Et la hausse des taux d’intérêt est loin de compenser cet envol structurel des coûts. De fait, depuis 2022, les charges des assureurs sont supérieures à leurs ressources.

Besoins de protection en hausse, ressources des assureurs en baisse… Une équation dangereuse au résultat très simple : augmentation du coût de l’assurance et remise en cause de l’assurabilité de certains risques. Dans les prochaines années, de plus en plus de familles et d’entreprises seront confrontées au recul de l’offre d’assurance dans les territoires. Aux États-Unis, les assureurs se retirent déjà de certaines zones. En France, le gouvernement vient de lancer une mission sur l’assurabilité des collectivités locales. Elle confirmera certainement qu’à l’ère du changement climatique, la question de l’aménagement du territoire est un enjeu majeur. Un sujet où, en tant qu’assureur, notre rôle est d’alerter, de pointer les anomalies ou encore les besoins, mais, dont les prises de décision ne nous reviennent pas. Comme celles de faire cesser certaines constructions sur des zones à risques, ou encore, celles de freiner l’artificialisation des sols, dont on connaît les effets désastreux en cas d’inondation.

Dans ce contexte périlleux, le rôle d’amortisseur social des assureurs est plus crucial que jamais. D’autant qu’au changement climatique s’ajoutent d’autres facteurs qui mettent en danger notre système de protection, à commencer par un vieillissement démographique d’une rapidité sans précédent. Entre 2020 et 2030, le nombre de Français âgés de 75 à 84 ans aura crû de 2 millions. En 2040, un tiers de la population aura plus de 60 ans, entraînant une inflation inédite des dépenses de santé, à laquelle s’ajoute l’envol des maladies chroniques.

Des besoins d'assurance en augmentation

Sinistres climatiques, hausse des dépenses de santé, vieillissement… Dans ces circonstances, l’assurance est, plus que jamais, un produit de première nécessité. Pourtant, garantir à tous une protection de qualité n’est pas négociable. C’est la raison d’être d’Aéma Groupe, en tant qu’acteur mutualiste ; c’est aussi ce qui nous a incités, comme beaucoup d’autres assureurs, à contenir la hausse de nos tarifs ces deux dernières années et préserver le pouvoir d’achat de nos assurés. Pour autant, cette situation n’est pas tenable à long terme. Alors, comment redresser la barre et sauvegarder notre système de protection ?

D’abord, en anticipant mieux les risques futurs et en nous livrant collectivement à un nécessaire exercice de prospective. Le secteur le sait et s’y attelle déjà. Mais surtout, en construisant ensemble un meilleur partage du sort. Les assureurs ne peuvent continuer à jouer seuls leur rôle d’amortisseur. Repenser le modèle économique de l’assurance relève de la responsabilité de tous les acteurs, privés comme publics. Chacun doit prendre sa part. La réassurance, en premier lieu, dont l’intervention réduite depuis 18 mois fragilise fortement les assureurs. Mais aussi les pouvoirs publics, évidemment, car ils portent une responsabilité majeure en matière de gestion des risques, notamment par le biais du régime CAT NAT ou de la cartographie préventive des risques. Sur toutes ces questions et, plus largement, sur le partage des responsabilités, il est temps d’engager un dialogue transparent si nous voulons continuer à garantir au plus grand nombre la meilleure protection possible.

Assureurs, entreprises, acteurs publics… Nous partageons tous le même objectif : construire pour le futur et pour nos enfants une société plus juste et plus durable. C’est précisément ce choix de société qui se joue aujourd’hui autour de l’assurance, véritable impératif de justice sociale. Elle que l’on présente depuis des décennies comme une simple commodité apparaît à nouveau, à la faveur des crises que nous traversons, comme ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : une nécessité, individuelle et collective. Et surtout pas un luxe.

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