Alexis Normand : «Les assureurs ont besoin de prouver que l'usage des objets connectés réduit la consommation de frais de santé »

vendredi 29 septembre 2017
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Alexis Normand, directeur du développement de Nokia Santé Digitale (ex-Withings) et auteur de « La révolution de la e-santé. Prévenir plutôt que guérir » (Eyrolles), s'interroge sur le business model des services de e-santé utilisant des objets connectés.

Les initiatives de la part des assureurs dans le domaine de la e-santé encore timides. Ne sent-on pas une certaine frilosité ?

Certains assureurs sont présents dans le domaine de la prévention afin d'encourager des comportements sains. L'objectif est que leurs assurés restent en bonne santé le plus longtemps possible. Vous avez l'exemple de la MGEN, Malakoff Médéric, Generali et Harmonie Mutuelle. Ces assureurs ne récompensent pas directement les bons comportements. En effet, un tarif de santé ne peut pas être modulé en fonction d’une donnée de santé en France. Cependant, ils proposent des services optionnels, qui, eux, intègrent des objets connectés et offrent des récompenses. L’assureur n’a pas accès aux données individuelles, pas plus qu’il ne voit les données du médecin dont il finance la prestation. Seul l'impact global de l'utilisation de ces objets sur les dépenses de santé ou sur le nombre de maladies chroniques est mesuré, dans le respect des données personnelles, comme pour la dépense médicale, en fait.

Est-ce que le business model a été trouvé pour financer ces programmes de prévention ?

Les assureurs privés ne sont pas assurés de la rentabilité des programmes de prévention car les effets peuvent se faire attendre, ils ne couvrent que la part complémentaire, et le nomadisme des assurés empêche de saisir les fruits de la prévention à court terme. Mais auprès de certaines populations, les effets d’un surcroit d’activité physique ou d’une meilleure gestion de sa tension artérielle peut avoir un effet très rapide, et alors, les assureurs ont besoin de prouver que l'usage de ces objets réduit la consommation de frais de santé. En France, c’est d’abord l’Assurance Maladie qui doit mesurer l’impact des objets connectés.

Qui peut financer ce genre de programmes ?

Les employeurs sont aussi très intéressés par les programmes de prévention dans le cadre de la complémentaire santé, car un employeur veut avoir des salariés présents au travail et en bonne santé. Les entreprises devraient pouvoir déduire une partie des dépenses en prévention de leurs cotisations sociales, après avoir fait valider l’impact avec l’Assurance Maladie.

Aujourd'hui, c'est l'usager final qui paie mais à partir du moment où on démontre l'intérêt de l'utilisation des objets connectés pour la réduction des coûts, les entreprises sont motivées. La société d'assurance peut négocier des réductions sur le prix des objets connectés, dont le coût peut être partagé entre l'assureur et l'entreprise.

Withings avait mené en 2014 une expérimentation avec Axa. Pourquoi le projet a été arrêté ?

Malheureusement, ce projet a été mal compris et a cristallisé la crainte infondée sur le fait que les assureurs utilisent les données pour moduler le prix de la cotisation, ce qui n’est pas possible légalement... Le paradoxe c'est que ce projet a donné des idées aux concurrents d'Axa pour lancer des projets similaires des années plus tard, en dissociant bien l’assurance santé du programme de prévention, et en assurant une séparation pour les données. Chez Generali par exemple, les programmes de prévention sont assurés par un tiers de confiance, et le programme de prévention n’est pas directement lié à une assurance santé. Ils affirment « Generali vous propose un programme avec des cadeaux pour rester en bonne santé ». L'on met en avant l'avantage supplémentaire, le service en plus. La vraie valeur ajoutée des objets connectés c'est de réduire le risque et donc de baisser les prix pour tout le monde. L'objectif n'a jamais été d'adapter le tarif au profil de l'assuré ! Quand les gens utilisent les objets et les services associés, ils voient que ce n'est pas méchant. La peur vient de l'ignorance.

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