Cercle LAB : Retour sur la 1ère réunion du club juridique & conformité (saison 2020/2021)
Le 22 octobre se tenait la première réunion du club juridique et conformité en présence de son parrain, Lionel Corre, sous directeur des assurances à la Direction générale du Trésor. L'occasion de commencer à explorer la thématique de cette année : l'avenir des réseaux de distribution à l'épreuve des enjeux réglementaires.
L'analyse de la thématique fil rouge de l'année du club juridique et conformité s'est arrêtée sur une première problématique, celle du partage des responsabilité entre assureurs et distributeurs. « C'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé ces dernières années », pointe Lionel Corre, sous-directeur des assurances à la Direction générale du Trésor et parrain du club juridique et conformité pour la saison 2020/2021.
Du droit du contrat au droit de la distribution
Et pour ouvrir les débats sur cette question centrale, Pierre-Grégoire Marly, professeur agrégé des facultés de droit et président du Forum du Droit des Assurances (FDA) s'est livré à l'analyse d'une décision de la 2e chambre civile publiée le 16 juillet 2020 (n° de pourvoi 19-16922). Elle porte sur la question de l'éligibilité des supports en unités de compte, à travers un litige noué autour d'Optimiz Presto 2, un produit structuré et présenté par le régulateur luxembourgeois comme un produit obligataire. Est-ce que ce produit structuré est véritablement une obligation au sens du droit français ? Ce fut l'objet d'une première décision de la cour de cassation le 23 novembre 2017. Elle a répondu par l'affirmative arguant que même en l'absence de garantie en capital, un produit structuré peut-être qualifié d'obligation et par conséquent rentrer dans la liste des actifs éligibles aux unités de compte établies dans l'article R131-1 du code des assurances.
« Pour autant, le litige ne s'est pas arrêté là », souligne Pierre-Grégoire Marly. Dans la décision du mois de juillet dernier, le débat portait sur une autre condition d'éligibilité des actifs aux UC définie à l'article L131-1 du code des assurances, à savoir leur capacité à offrir une protection suffisante de l'épargne investie. En d'autres termes, si des UC figurent sur le liste fixée par décret, cela suffit-il à remplir l'autre condition d'éligibilité ? Oui selon la cour de Cassation. Dès l'instant où l'ensemble des actifs figurent dans la liste, il satisfait de facto la condition de protection suffisante de l'épargne investie.
« Cela signifie que nous disposons donc d'une liste réglementaire. Mais elle constitue un filtre grossier et une fois ce filtre passé, on sent que l'on bascule du droit du contrat d'assurance au droit de la distribution d'assurance, estime Pierre-Grégoire Marly. La question n'est plus de savoir si en lui-même un actif est suffisamment protecteur, mais de savoir si l'actif est cohérent avec le profil du client ».
« C'est le sens de l'histoire », juge Lionel Corre. On voit là poindre un transfert de responsabilité au service d'un meilleur conseil au client. Mais attention tout de même prévient Jérôme Speroni, juriste chez Agéa : « Le distributeur se retrouve avec des produits qui ont été conçus par un assureur. Il distribuera ce qu'il a entre ses mains. Se focaliser sur le conseil est important. Mais il faut regarder le panel de produits qu'il a sa disposition. C'est le principe même de la gouvernance produit. Il ne faut pas oublier ce chaînon essentiel qu'est le concepteur ».
Co-conception, externalisation et responsabilités
Sur ce sujet de la gouvernance produit, la POG, l'Eiopa a d'ailleurs livré quelques préconisations au début du mois d'octobre. « Ce document n'a pas de valeur contraignante, soulève Maude Vautrain, directrice conformité du groupe Covéa. Mais il apporte des précisions sur l'approche de l'Eiopa quant à la gouvernance produit ».
Il introduit par exemple une exigence de rapport périodique sur la gouvernance produit. L'Eiopa surfe en outre sur les polémiques autour des pertes d'exploitation lorsqu'elle rappelle que les exclusions des contrats doivent être cohérentes avec les exclusions du marché cible. Le superviseur européen précise également son point de vue sur la stratégie de distribution écrite dans la POG. « Jusque là la place avait orienté les réflexions sur le choix des canaux et là l'Eiopa indique qu'elle doit également inclure le choix des distributeurs », précise Maud Vautrain.
En revanche, l'Eiopa ne donne pas de nouvelles directions concernant la co-conception de produits ou les exonérations de POG pour les contrats sur mesure. Pourtant la co-conception est cruciale dans la définition des responsabilités. « En droit français, l'assureur du produit distribué en est le concepteur. Au mieux, un intermédiaire ne peut être que le co-concepteur. Autrement dit, il partage sa responsabilité avec l'assureur sur la conception », rappelle Pierre-Grégoire Marly.
Le règlement européen prévoit par ailleurs l'externalisation de la conception des produits. Mais on quitte là la DDA pour tomber sous le régime de Solvabilité 2. Et dans ce cadre, il n'y a pas de partage de responsabilité. Elle relève entièrement de l'assureur selon la directive. « Je ne vois pas bien l'intérêt pour un assureur d'externaliser la conception de produits », pointe Bernard Delas, président de Bernard Delas Conseil. La co-conception au sens de DDA ouvre en effet la voie à un partage des responsabilités.
D'ailleurs les participants au club ont clairement expliqué, que l'externalisation de la conception des produits par les assureurs étaient rares, voire inexistantes. Reste à savoir comment appréhender le rôle de chacun dans la conception de produits pour en dégager les responsabilités. « Les conventions de distribution sont cruciales. Mais ce qu'à fait la Cnil sur RGPD nous fournit un indice sur cette question. Elle considère en effet que les conventions sont un cadre, mais elle va regarder ce qui se fait réellement dans les usages », explique Ludovic Daugeron, responsable juridique et conformité de Planète CSCA.
Cela devrait imposer d'aller vers plus de granularité dans les POG. « On voit bien qu'avec les sujets de LPS, de démarchage téléphonique ou encore de perte d'exploitation, la gouvernance produit va vraiment devenir le pilier principal de la DDA », conclut une responsable conformité présente au club.
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