CNP Assurances : Deux actionnaires remettent en cause l’approbation des comptes

mardi 26 avril 2022
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Deux actionnaires de CNP Assurances dénoncent l’insincérité des comptes du groupe depuis 2015. L’un d’entre eux a annoncé devant l’assemblée générale, du 22 avril dernier, sa volonté de saisir la CNCC. Le second actionnaire a déposé une plainte. Jean-Paul Faugère, le président du conseil d’administration de l’époque est également visé par la plainte.

Le 22 avril dernier, lors de l’assemblée générale de CNP Assurances, Christophe Zeller, actionnaire du groupe, a annoncé vouloir saisir la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC). Pour la deuxième année consécutive, l’actionnaire a pointé du doigt le non-enregistrement des provisions pour sinistres des comptes de Garantie Assistance (filiale d’assistance du groupe) sur l’exercice 2016.

La charge concerne les comptes certifiés déposés le 8 juin 2017 au Greffe du Tribunal de Nanterre au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2016. « La CNCC est un ordre cardinal qui a le pouvoir de prononcer une sanction contre les commissaires aux comptes en fonction. Pour les comptes consolidés de CNP Assurances, qui incluent donc les comptes de ses filiales, les commissaires aux comptes se sont soit trompés, soit ils ont été trompés », explique Christophe Zeller. L’initiative est suivie par Daniel Margutti, un autre actionnaire du groupe CNP Assurances et ex-gérant d’Humania Consultants.

Lettre à destination du courtier Sphinx Affinity

Pour étayer ses dires, Christophe Zeller a présenté lors de l’AG du groupe, un courrier datant de 2016 et à destination du courtier Sphinx Affinity. « Je relève que dans un courrier officiel en date du 22 juillet 2016 signé du directeur commercial et du directeur juridique et contrôle interne de notre filiale Garantie Assistance, dont vous êtes les CAC (commissaires aux comptes, ndlr), il est clairement énoncé je cite ''nos services ne sont pas en mesure d’enregistrer les provisions adaptées au titre des dossiers en cours et non clos'' », lance Christophe Zeller durant l'AG.

« Or, je relève que, dans les comptes que vous avez certifiés (…), aucune mention de cette impossibilité n'est formulée sur ce point, dans l'article traitant des éléments marquants de l'exercice, dans les annexes aux comptes sociaux. Et je relève également qu'aucune mention d'une éventuelle correction ne sera également formulée par la suite, et qu’aucune disposition modificatrice prise depuis. (…) Comme cela a, in fine, des conséquences sur l'exactitude des comptes consolidés de notre groupe dès lors que les comptes de la filiale apparaissent dans ces mêmes comptes consolidés. Pourtant l'évidence est là : Rien n'est dit, rien ne ressort des informations et chiffres déposés au Greffe du Tribunal de Commerce de Nanterre, validés par vous, et présentés ici à tous », poursuit-il devant les dirigeants de CNP Assurances. Selon nos informations, les provisions seraient de l’ordre de 16 à 18M d’euros.

La réponse du commissaire aux comptes

Jean-Claude Pauly, commissaire aux comptes de CNP Assurances et associé du cabinet d’audit Mazars, a répondu en séance : « Ce sont des comptes que vous faites apparaître au cours d’une assemblée générale et dont je n’ai pas eu connaissance dans le détail. Il en est de même pour la lettre que vous joignez à ce document. Cependant, les comptes de 2016 de cette filiale ont été approuvés sans réserve. C’est une certification globale des comptes ».

Sollicité par News Assurances Pro, le groupe complète : « Ces questions intervenant dans le cadre d’un contentieux initié il y a plus de cinq ans par l’une des filiales de CNP Assurances à l’encontre de la société dirigée par l’un des deux auteurs desdites questions, et sans pour autant y souscrire, la compagnie ne souhaite pas commenter les propos concertés de deux actionnaires dont l’un (ndlr : Daniel Margutti, mentionné plus haut) est l’adversaire de sa filiale dans un contentieux toujours en cours ».

Sur fond de contentieux

Concernant cet actionnaire, ex-gérant de la société Humania Consultants, spécialisée dans la renégociation de prêts et désormais liquidée, ce dernier est toujours en procès avec l'assureur. Le courtier Sphinx Affinity avait joué un rôle d’intermédiaire dans ce dossier. Pour rappel, le contentieux remonte au milieu des années 2010. Humania Consultants surfe sur la vague des renégociations de TEG auprès de banques pour le compte de particuliers.

A l'époque, de nombreuses sociétés se sont lancés dans le business en s'appuyant sur une faille dans le calcul des TEG par les banques lors de l'obtention de prêt. A la clé des gains de plusieurs milliers d'euros pour les particuliers. Humania Consultants se démarque en proposant le remboursement des frais de dossiers en cas de défaite en s'appuyant sur des statistiques judiciaires favorables aux particuliers qui attaquent les banques. Humania se couvre via une assurance contractée auprès de Garantie Assistance. Mais les décisions de justice défavorables pleuvent et Garantie Assistance décide de couper le robinet des indemnisations estimant avoir été floué sur les statistiques livrées par son client.

Plainte déposée

Une nouvelle plainte a été déposée par Daniel Margutti. Ce dernier a saisi, le 14 juillet 2021, le parquet de Nanterre et plus précisément le juge d’instruction Serge Tournaire via une lettre que News Assurances Pro a également pu se procurer. Le dépôt de plainte va cette fois à l’encontre de Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, Marie-Pierre Bazetoux, présidente-directrice générale des Compagnies d’assurance Garantie Assistance et Filassistance et la société anonyme Filassistance international. « En ce qui concerne le juge Serge Tournaire doyen des juges d'instruction de Nanterre que j'ai cité verbalement lors de l'AG. Je peux vous affirmer qu'il a fixé une consignation et qu'elle a été payée », ajoute Christophe Zeller.

« Les comptes de la société Filassistance International étant intégrés dans les comptes de CNP Assurances il est également manifeste que l’actif net apporté de cette dernière est également inexact, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes dans le cadre de la fusion en cours entre CNP Assurances et La Banque Postale », peut-on lire dans une lettre adressée au doyen des juges d’instruction par Daniel Margutti et que News Assurances Pro a pu se procurer.

Selon une source proche du dossier, bien que les comptes des filiales soient intégrés dans les comptes consolidés du groupe CNP Assurances, la situation ne devrait pas entraver le rachat d’action par La Banque Postale, la provision contestée étant comptée en millions d’euros pour un bilan de plusieurs dizaines de milliards d'euros. La banque publique a fixé un prix de 21,90 euros par action, dividende attaché.

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