Cyber-harcèlement : Le flop des produits d’assurance

jeudi 5 octobre 2023
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Alors que le gouvernement a dévoilé son plan interministériel pour lutter contre le cyber-harcèlement et le harcèlement scolaire, les produits d’assurance contre ce phénomène restent à la peine.

En plein cœur de l’actualité, le cyber-harcèlement figure parmi les priorités du gouvernement. Le 27 septembre, la première ministre Élisabeth Borne et Gabriel Attal, ministre de l'Éducation nationale ont présenté un plan de lutte contre ce fléau de société. Au programme se trouvent notamment une formation « pour tous les acteurs de la communauté éducative », des « cours d'empathie », une grille d'autoévaluation pour les élèves allant du CE2 à la 3e, un numéro unique de signalement ou encore la saisine « systématique » du procureur en cas de plainte d'un élève.

Or, pendant ce temps, les produits d'assurance peinent à sortir de l'ombre. Ce que regrette Timothée Bouteloup, ancien directeur de l’assurance inclusive chez Wakam et actuel directeur des affaires publiques.

Depuis juillet 2021, l’assureur développe Kolibri, une assurance contre le risque de harcèlement scolaire et de cyber-harcèlement, en partenariat avec l’association « Marion la main tendue », lancée par Nora Fraisse, maman d’une fille victime de harcèlement.

Pour 1,50 euro par mois, soit 18 euros par an, cette assurance comprend une garantie de protection juridique prenant en charge jusqu’à 1.000 euros de frais d’avocat. Les victimes de harcèlement bénéficient également d’un accompagnement thérapeutique dédié (prise en charge de 10 séances de psychologue, sophrologue et nutritionniste, à hauteur de 60 euros par séance). Le produit propose par ailleurs un volet de soutien scolaire (jusqu’à 1.800 euros de cours à domicile pour les enfants victimes de phobie scolaire). Enfin, les victimes pourront bénéficier d’un bouclier e-réputation qui permet de nettoyer les traces du harcèlement sur les réseaux sociaux (jusqu’à 1.000 euros de frais).

Manque de pédagogie

« Il s’agit d’un produit d’assurance inclusive que l’on vend à prix coûtant et qui s’inscrit dans notre ADN de société à mission », détaille Timothée Bouteloup. En d’autres termes, le ratio S/P (sinistres sur primes) est de 100 et la marge technique de 0%. « Dans le cas où notre marge technique serait supérieure à 0%, nous nous engageons à reverser le ‘surplus’ à l’association collaboratrice », a précisé notre interlocuteur. Mais l’assureur est bien loin des objectifs fixés. Depuis son lancement, le produit ne rencontre pas le succès escompté. Wakam visait entre 50.000 et 100.000 bénéficiaires dix-huit mois après son lancement. Deux ans plus tard, le compte n’y est pas. Aujourd’hui, « moins de 10.000 contrats ont été souscrits, regrette Timothée Bouteloup. Faute d’un manque de pédagogie, les parents estiment qu’une assurance scolaire suffit. À tort ».

Pour autant, l’audience des sites des courtiers collaborateurs s’est multipliée depuis début septembre, en raison des drames récents et à l'attention médiatique portée autour du harcèlement scolaire. Et Wakam entend redoubler d’efforts pour mettre l’accent sur la pédagogie de ce produit.

Effacer les traces de haine

Après Wakam, Moonshot Insurance, l’assurtech de Société Générale Assurances s’est également attaquée à la haine en ligne à travers une offre lancée en partenariat avec Bodyguard.ai.

Applicable sur quatre réseaux sociaux, Instagram, Youtube, Twitter et Twitch, le produit – dont le tarif se situe entre 1,5 euro et 2 euros par mois – met à disposition de l’assuré un algorithme capable de détecter et supprimer les contenus toxiques proférés en ligne afin que l’utilisateur et sa communauté ne puissent pas les voir.

En parallèle, les parents sont notifiés de la suppression de certains contenus. Moonshot prévoit pour l’ensemble du foyer un accompagnement santé afin d’orienter les foyers victimes vers des professionnels comme un nutritionniste, un psychologue, un sophrologue et un acuponcteur. Au total, la prise en charge des frais de consultations est limitée à 400 euros par an.

À la recherche de la bonne formule

Si sur le papier, l’offre semble adaptée à des besoins croissants, « les ventes du produit restent marginales, voire inexistantes », remarque une source. « Personne sur le marché n’a encore trouvé la bonne formule qui puisse couvrir l’ensemble des demandes », explique notre interlocuteur.

Loin de s’avouer vaincue, la start-up de Société Générale Assurances retente sa chance avec Pixpay à travers une nouvelle offre de lutte contre le cyber-harcèlement. En cas de préjudice, les parents dont les enfants ont été victimes, seront financièrement couverts jusqu'à 500 euros pour la mise en place d'un double accompagnement. Pour l’heure, seuls les utilisateurs de Pixpay peuvent avoir recours à cette offre. Mais la jeune pousse de Société Générale Assurances entend mettre les bouchées doubles pour percer sur le créneau du cyber-harcèlement.

MAE, la voie de l'inclusion

Consciente du flop des assurances contre le harcèlement scolaire et le cyber-harcèlement, la MAE continue de travailler en inclusion. Le groupe, qui revendique 20% des parts du marché en assurance scolaire, intègre des garanties directement dans ses produits. Et ce depuis vingt ans. « Dès notre offre d’entrée de gamme (c’est-à-dire pour 13 euros ndlr), l’assuré bénéficiera d’un soutien psychologique, explique Stéphane Coste, directeur général du spécialiste de l’assurance scolaire. À la MAE, nous considérons que le harcèlement est un aléa rencontré par les élèves au cours de leur système éducatif. Ce fléau n’est pas nouveau mais il s’agit d’un sujet qui n’est plus toléré ».

Campagnes de sensibilisation

En témoignent les statistiques sur la sinistralité autour du harcèlement. Chaque année, le nombre de sollicitations sur ces garanties augmente de 20 à 30% à la MAE. Cela implique d’abord les affaires au collège (39%) et au lycée (35%), puis en primaire (22%) et maternelle (4%).

La MAE, dont l’audience du site au mois de septembre a progressé de 30% sur un an, bénéfice par ailleurs de l'agrément national d'association éducative complémentaire de l'enseignement public afin de poursuivre sa démarche en prévention. En effet, le groupe intervient gratuitement dans les établissements scolaires afin de sensibiliser les élèves de la maternelle au lycée sur plusieurs sujets, dont le harcèlement. Cet agrément court depuis novembre 2019 pour une durée de cinq ans.

Pour mener à bien ces actions, la MAE produit chaque année des outils pédagogiques comme la collection « Et si on s’parlait du harcèlement à l’école ? » ou encore la mallette Jeu de l’Oie « Non au harcèlement », le support de prévention ludique créé par des élèves pour sensibiliser leurs pairs aux questions de harcèlement. Des initiatives vouées à se multiplier au vu des préoccupations grandissantes des foyers sur ce fléau de société.

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