Jean-Sébastien Nénon : "La vraie révolution en santé viendra par le prix"
INTERVIEW - Misant sur la puissance de la data, Coverlife, le courtier en ligne du groupe Adélaïde, poursuit son développement. Pour News Assurances Pro, Jean-Sébastien Nénon, son directeur général, explique quels sont ses atouts et ses perspectives de croissance sur un marché de la santé / prévoyance chamboulé.
Pouvez-vous revenir sur le positionnement de Coverlife ?
Coverlife a été créé en 2014 et fait partie du Groupe Adelaide (qui possède également les courtiers Verlingue et Génération) et qui est spécialisé dans la distribution de produits santé et prévoyance pour les particuliers. Nous sommes aujourd’hui essentiellement présents sur les huit principaux comparateurs d’assurances du marché et également sur Google en acquisition de trafic via des techniques de SEO, SAE et SMO. L’entreprise est rentable, notre chiffre d’affaires est en hausse sur le dernier exercice avec une croissance d’activité de 20% pour 35M d’euros de primes gérées. Nous avons entamé depuis le début de l’année une transformation profonde de notre modèle en nous focalisant sur le digital et la tech, en investissant sur la donnée.
Nous avons par exemple créé un "data warehouse" pour récupérer et héberger l’ensemble des données qui nous viennent de nos partenaires, comparateurs, prestataires et de notre gestionnaire Génération. Grace à un outil BI (Business Intelligence), nous pouvons ensuite visualiser ces données pour mieux comprendre et fidéliser nos clients et cibler plus efficacement les prospects que l’on souhaite attirer. Cela nous permet surtout de créer les produits et l’expérience client la plus fine et la plus adaptée. L’assurance santé est aujourd’hui un produit de grande consommation. En maîtrisant nos cycles d’acquisition et de fidélisation, nous maîtrisons aussi nos coûts d’acquisition marketing et nos S/P, ce qui facilite ensuite nos partenariats avec les assureurs.
Quelle typologie de clients adressez-vous aujourd’hui ?
Nous touchons toutes les typologies de clients, des étudiants aux retraités en passant par les actifs. Environ 40% de nos assurés ont entre 22 et 30 ans. Nous couvrons également des seniors et des TNS, même si nous pouvons encore faire mieux pour attirer ces derniers.
Aujourd’hui, beaucoup d’actifs cherchent une complémentaire santé car leur couverture collective garantie par l’ANI ne leur semble pas suffisante. Ce deuxième produit au premier euro vient ainsi renforcer leur programme groupe, principalement sur l’optique et le dentaire.
La distribution des produits Cocoon a-t-elle vocation à évoluer ?
Nous sommes aujourd’hui uniquement distributeur direct et nous avons des réflexions en cours sur la façon dont nous pourrions à l’avenir nous diversifier. Nous travaillons historiquement avec CNP Assurances mais aussi avec d’autres porteurs de risques comme le groupe Prévoir. Nous discutons actuellement avec de nouveaux assureurs dans l’optique de partenariats stratégiques de long terme, dont la clé sera la vitesse de conception et d’exécution des produits. Lorsque nous proposons nos offres sur des places de marché concurrentielles où les tendances varient très vite, nous devons avoir des partenaires agiles qui puissent nous suivre rapidement.
Nous avions envisagé début 2019 de nous lancer comme grossiste, notamment sur la prévoyance des TNS. Toutefois, il s’agit d’un marché complexe où il faut être bon tout de suite et nous ne sommes pas encore prêts. Aujourd’hui, entre 10 à 15% des affaires nouvelles viennent des TNS sur un portefeuille de 72.000 adhérents. Si nous travaillons à des produits plus spécifiques pour cette population, ils sont peu présents sur les moteurs de recherches et les réseaux sociaux et s’appuient généralement sur les courtiers pour trouver des solutions plus globales. In fine, nous préférons pour le moment amplifier le modèle historique de Coverlife en santé. Pour ce faire, nous allons par exemple lancer dès le mois de janvier nos premiers tests de machine learning pour améliorer notre canal d’acquisition direct.
La crise du coronavirus a-t-elle accéléré les souscriptions santé en ligne ?
Le premier confinement a accéléré les choses, notamment sur l’assurance santé des particuliers, même si le premier mois a été relativement calme, tant sur le search Google que sur les comparateurs. Beaucoup de personnes avaient d’autres choses en tête que de s’assurer. Toutefois, Il y a eu une prise de conscience que le digital permettait de pouvoir se couvrir facilement en ligne et cela va donner à la France la possibilité de refaire son retard sur le sujet. Sur ce point, nous avons profité de cette accélération pour adapter nos parcours clients en juin dernier. Nous avons fluidifié et simplifié encore nos modes de souscription en renforçant la conformité. Ce mouvement prend son envol avec ces circonstances sanitaires et la santé fait désormais partie des produit que le grand public peut facilement acheter en ligne.
La prospection de nouveaux clients doit-elle aussi passer par la gestion ?
On parle beaucoup de distribution mais trop peu de gestion. Nous avons la chance d’être épaulé par Génération qui opère une gestion des contrats au cordeau, ce qui facilite la fidélisation, notamment grâce à une application très performante. Pour autant, il est compliqué de valoriser une bonne gestion car le client ignore la complexité des dispositifs. Il s’agit peut-être d’un sujet de communication à creuser auprès du grand public pour valoriser notre marque.
Mon sujet est surtout d’avoir une croissance maitrisée et un résultat net qui progresse régulièrement. Nous ne sommes pas impressionnés des levées de fonds et des nouveaux entrants qui prétendent chaque jour révolutionner un peu plus le marché. Il est plus que jamais important de revenir aux basiques, avec des offres simples à comprendre, sans piège à la souscription, accompagnées d’une bonne gestion.
Selon moi, la vraie révolution en santé viendra par le prix et non par la technique et la complexité. A la fin c’est l’assuré qui paie ! Aussi, on ne s’attaque pas assez aux coûts médicaux. Pourquoi la France commercialise-t-elle les lunettes les plus chères d’Europe ? Pourquoi des appareils auditifs, dont le coût de fabrication avoisine les 30 euros, sont vendus plus de 1.000 euros dans l’Hexagone ? Pourquoi une même molécule est-elle vendue plus ou moins chère suivant les pays ( ex : le Solvadi, dont le prix de la boîte varie de 7€ dans certains pays asiatiques à 500€ en France) ? La maîtrise des coûts a davantage d’intérêt au quotidien pour les assurés que la mise en avant d’innovations marketing parfois futiles.
Comme dans d’autres industries avant nous, dans l’aérien ou la téléphonie mobile par exemple, la révolution en assurance santé ne peut venir que par la maîtrise des coûts et je reste persuadé que c’est par ce prisme que l’on arrivera à développer un système de santé performant et viable pour l’assuré.
Envisagez-vous le lancement de nouveaux produits Cocoon ou des acquisitions dans les prochains mois ?
Nous travaillons sur différents projets liés à l’ouverture d’autres canaux. La prévoyance des TNS nous intéresse par exemple. Quand je vois certains extranets courtiers qui ne sont pas encore sans couture, il reste de la place pour un acteur comme nous. Par ailleurs, la croissance forte de Coverlife passera également un jour ou l’autre par de la croissance externe. Faut-il s’intéresser alors à des courtiers similaires ou à des entreprises externes, notamment technologiques ? Pour l’instant, le choix qui a été fait est de s’appuyer sur les meilleurs partenaires du marché afin de pouvoir changer lorsque c’est nécessaire. L’achat d’une technologie comporte des contraintes de ‘legacy' mais aussi des risques de disruption par d’autres acteurs…
Nous travaillons aujourd’hui avec 25 prestataires différents et ce mode de fonctionnement et cette agilité nous permet d’avancer plus vite et de tester d’autres partenaires pour apporter une vraie innovation perçue et visible de la part des assurés finaux.
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