PORTRAIT – A 46 ans, la présidente d’Apivia Macif Mutuelle, Edwige Langronier dégage intelligence et motivation. Après un parcours professionnel et syndical sans faille, elle a toutes les compétences pour être une présidente avisée.
Vous ne trouverez grand-chose sur Edwige Langronier sur Internet. La nouvelle présidente d’Apivia Macif Mutuelle n’est pas familière des médias ni des réseaux sociaux. Et pourtant, cette femme de 46 ans propulsée à la tête de la mutuelle du groupe Aéma a un parcours passionnant. Elle nous reçoit dans les locaux parisiens d’Apivia Macif Mutuelle avec un large sourire confiant. Grande femme, coupe à la garçonne, elle porte une robe longue noire et une veste en velours vert émeraude assortie à son regard et à son pendentif. Du haut de ses bottines blanches, Edwige Langronier détonne dans un paysage mutualiste plutôt masculin. Elle prend place dans un grand fauteuil coloré, prête à se dévoiler.
La grand-mère, source d'inspiration
Elle est la cadette d’une fratrie de quatre enfants. L’engagement pour Edwige vient de famille. Elle s’est inspirée de sa grand-mère, « l’incarnation du sens du devoir, qu’elle prenait joyeusement, toujours au service des autres, jamais dans le jugement, toujours prête à rendre service ». Elle faisait le ménage dans une école et gardait des enfants placés par les services sociaux. Et puis, de son grand-père qui « était CRS, mais travaillait loin du terrain, en cuisine ». Avec pudeur, elle évoque rapidement sa mère handicapée à la suite d’un accident et son père absent, qu’elle a très peu connu.
Après avoir fini ses études de droit à la fac de Dijon et une année de prépa, elle passe le concours de la fonction publique et devient attachée territoriale. Tout au long de sa carrière, elle occupe des postes de direction dans différents secteurs : du logement social à la culture, en passant par la santé publique et le contrôle de gestion. Ce parcours riche et sans faute forgera son caractère et nourrira son engagement jusqu’à devenir présidente d’Apivia Macif Mutuelle à l’âge de 46 ans.
Le dilemme public/privé
« Quand j’étais jeune et un peu bête… » Rigolade. « J’étais un peu manichéenne. Pour moi, le service public était bien et l’entreprise privée incarnait le capitalisme et c’était moins noble. Maintenant, j’en suis complètement revenue », affirme-t-elle.
En 2000, Edwige Langronier débute sa carrière dans le logement social, en qualité de directrice de la gestion locative dans le Jura, et donc en charge de l’attribution des logements sociaux, la gestion du patrimoine et des loyers, « avec des missions d’animation de proximité et de lien social », précise-t-elle. Cette première expérience dure peu car elle tombe enceinte de son premier enfant.
Fatiguée de devoir faire deux heures de route par jour, elle demande à se rapprocher de son domicile à Chalon sur Saône et est nommée à la tête du service de la population en 2002. En 2004, elle a un deuxième enfant et change à nouveau de poste.
Remettre sur pied un service
Alors qu’elle est jeune maman avec deux enfants en bas âge, on vient la chercher pour piloter le service d’aide sociale d’urgence. « Petite particularité, j’ai pris la direction d’un service qui avait connu le suicide de la personne que je remplaçais. Je l’ai pris comme un intérim et comme une mission de remise sur pied du service. L’équipe avait beaucoup souffert, dans un contexte d’harcèlement de la responsable sur son équipe. Même si j’avais un peu d’appréhension avant de prendre le poste, ce fut une belle mission car j’ai réussi le challenge ». Avec quelle méthode ? « Je me suis mise à l’écoute des personnes, avec beaucoup de sérénité, sans jugement. Je suis arrivée avec un regard neutre, beaucoup de bienveillance et une volonté de rassurer les équipes. Je n’ai pas mis de pression et j’ai fait d’intermédiaire entre l’équipe et la direction du CCAS. J’ai aussi assuré la gestion des affaires courantes pour maintenir la continuité du service public ».
Le spectacle vivant pour s’en remettre
Après cette expérience éprouvante, elle obtient un poste au théâtre de Chalon en 2004. L’établissement changeait de statut et devenait une scène nationale. Son profil de juriste avec des compétences en droit public et privé collait parfaitement au poste. Elle pilote l’évolution vers le nouvel statut, rédige les contrats de travail, met en place le conseil d’administration, une comptabilité spécifique, le suivi des instances. « C’était le jour et la nuit par rapport au milieu d’où je venais. C’était joyeux. Une bulle d’oxygène. J’avais mon travail de bureau et je pouvais descendre dans la salle, voir les équipes artistiques, aller boire mon café avec les équipes techniques. J’ai adoré cette expérience ! ».
« Et ce n’est pas fini ! » lance-t-elle avec une franche rigolade. « Si vous regardez mon CV, j’aime bien quand ça bouge, quand-même ! ». Elle enchaîne avec un poste dans le domaine de la santé publique. De 2008 à 2015, elle construit la direction de la santé publique du Grand Chalon, une structure intercommunale créée de toutes pièces qui regroupe 50 communes et un bassin de vie de 110.000 habitants. « Il s’agit d’inscrire dans les politiques publiques locales la dimension de la santé pour les concitoyens. Nous n’intervenions pas sur les soins mais sur la prévention ». Par exemple, elle a œuvré pour l’intégration dans le plan de mobilité d’une dimension santé et de lutte contre l’exclusion sociale. « On allait aussi dans les écoles pour travailler avec les tous petits sur le brossage de dents à la cantine, la relaxation dans les classes, et puis des dépistages. Nous avons ouvert un point d’écoute psychologique. Nous avons recruté une psychologue au service de la population qui recevait dans un lieu neutre et assez sympa. C’était un service gratuit et anonyme et ça marchait du feu de dieu ! »
Premier engagement, le syndicalisme
Pendant ces années, elle s’engage dans le syndicalisme. « Dans le Grand Chalon il y avait de grosses difficultés à la suite de l’arrivée d’une nouvelle équipe municipale en 2008. Le nouveau directeur général des services lance des réformes sur un rythme effréné, ce qui provoque beaucoup de casse sociale et des tentatives de suicide. La responsable de Force ouvrière partait en retraite et m’a sollicitée. Il n’y avait personne pour prendre la relève », explique-t-elle.
A 35 ans, elle devient la secrétaire du syndicat FO au niveau de l’intercommunalité. « Je me suis sentie très utile. Dans cette période, les collègues se moquaient de moi car je portais toujours les oreillettes, j’étais en communication avec des gens 15 heures par jour. Quand on est responsable syndical, on nous appelle tout le temps. On est en réunion, en négociation ou en défense. C’était une période très riche et satisfaisante », commente-t-elle.
Elle se souvient particulièrement d’un conseil de discipline. « Il s’agissait de mettre à pied un de mes collègues éboueur. Il m’a demandé de le défendre. Le directeur des services s’était même déplacé. C’est comme si le directeur général se déplace pour une sanction à l’hôtesse d’accueil. J’ai joué à l’avocate et on a obtenu gain de cause. Cela m’a procuré une telle joie ! Ce dont je me souviens c’est que l’accusé était incapable de prononcer un seul mot. Si je n’avais pas été là, il aurait été jugé sur le dossier. C’est ça qui était important, donner la voix aux gens qui ne peuvent pas s’exprimer. Et surtout, le président du tribunal administratif m’a dit à la fin ‘Madame, vous avez raté votre vocation’. C’était une reconnaissance qui m’a fait chaud au chœur ».
De 2015 à 2017, elle change encore pour diriger un service évaluation des politiques publiques et contrôle de gestion déléguée. Elle doit notamment vérifier la gestion déléguée à des organismes privés. « Vous voyez, il y a encore dans cette expérience, une mixité entre le public et le privé. Comme si entre les deux, mon cœur balance », rigole-t-elle.
La mutualité, la suite logique
Tout naturellement, elle atterrit en mutualité. FO lui demande d’intégrer la gouvernance de la mutuelle Macif en tant que déléguée régionale en 2011. « En tant que fonctionnaire, j’ai l’habitude d’être face à une équipe municipale élue. Là c’est tout l’inverse. Je suis un patron politique avec un impact sur les décisions opérationnelles », pointe-t-elle.
En 2017, elle devient administratrice et depuis 2021, présidente d’Apivia Macif Mutuelle à la suite de la fusion entre Macif Mutualité et Apivia Mutuelle. « C’est le président de la Macif de l’époque, Alain Montarant, qui m’a proposé le poste. ‘Tu seras candidate si tu veux bien’. Vraisemblablement, je devais être celle dont le profil correspondait le mieux », dit-elle modestement.
Quand on lui demande si elle va rester plus que deux ans, elle explose de rire. « Oui, il faut que je reste 6 ans parce que c’est la durée du mandat qui m’a été confié ». Quand on lui demande si c’est facile de naviguer dans un univers mutualiste dominé par des hommes d’un certain âge, elle répond qu’elle « a toujours connu ça, a l’habitude. J’ai un peu de masculinité en moi. A chaque fois que je débarque dans un poste, je n’y connais rien, mais j’ai une capacité et un goût pour apprendre ».
Visiblement, elle n'a pas choisi d'être présidente à cause des mondanités associées à la fonction. Les déjeuners avec les collaborateurs, elle en fait beaucoup mais elle a horreur de traiter les affaires importantes pendant un dîner.
[caption id="attachment_1477828" align="alignnone" width="620"] A gauche, le totem du conseil d'administration.[/caption]Le totem du conseil d'administration
Le temps a filé à toute allure. Edwige a encore le temps de nous dire que ses enfants c’est sa vie et de nous montrer le « totem du conseil d’administration, emblème de la cohésion de l’équipe ». Cette structure de deux mètres en bois et fer contient plusieurs objets : une règle, une boîte de thé d’un autre temps, une écharpe du Rugby Club Massy Essonne... C’est lors du premier séminaire d’Apivia Macif Mutuelle, qu’elle demande aux 27 administrateurs d’apporter un objet afin de présenter leur engagement dans la mutuelle. « Certains avaient la larme aux yeux ou la voix chevrotante lorsqu’ils pendant la présentation de leur objet », explique-t-elle. « Ma vraie force c’est les autres », conclut-elle.
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