Roland Berthilier : « Le modèle économique de la MGEN doit évoluer »
INTERVIEW - Roland Berthilier, président de la MGEN, évoque plusieurs pistes pour équilibrer le modèle économique de la mutuelle et réagit à l'actualité sur la protection sociale (baisse des frais de gestion, résiliation infra-annuelle, assurance dépendance...).
La MGEN est référencée dans les ministères de l'Education nationale, des Affaires sociales et de la Transition Ecologique. Avez-vous réussi à vous implanter sur les nouveaux ministères ?
C'était une année de mise en place car pour la Transition Ecologique, le référencement date du 1er janvier 2019 et pour les Affaires sociales, nous avons été référencés en juin dernier. A l'Education Nationale, l'arrivée de la concurrence n'a pas eu d'impact pour la MGEN, qui couvre plus des 3/4 des agents. Nous avons enregistré moins de départs volontaires que l'an dernier. La solution 100% digitale proposée par CNP Assurances peut paraître alléchante pour les jeunes. Quant à Intériale n’a-t-elle pas eu les yeux plus gros que le ventre ? Intérieur, Justice, Défense et enfin Education nationale, cela fait beaucoup. Pour l'instant nous n'avons pas croisé ses forces commerciales sur le terrain. Mais nous restons mobilisés.
Comment s'est passée l'année 2018 ?
Le résultat de 2018 devrait être positif, mais dans une fourchette basse de quelques millions d'euros. Les résultats définitifs ne seront arrêtés que dans quelques semaines par notre conseil d’administration. Nous aurons donc probablement réussi à redresser le résultat négatif de 2017. Nous espérions faire mieux mais les marchés financiers et les crises boursières d'octobre et décembre ne nous ont pas aidés.
Comme vous le savez, notre modèle est équilibré grâce aux produits financiers. En 2018, la gestion de nos réserves a permis de dégager environ 130 millions d'euros de plus-values latentes. Cela veut dire qu'il manque 130 millions d'euros une fois qu'on a encaissé les cotisations, payé les prestations et fait des provisions. Les cotisations ont toutefois progressé un peu plus vite que les prestations, ce qui a permis de redresser notre résultat technique.
Comment ont évolué les cotisations en 2019 ?
En 2017, nous n'avions pas augmenté les cotisations, car c'était une période ouvrant sur un nouveau référencement. Il fallait donc faire un petit effort sur les années suivantes. En 2018, les cotisations ont augmenté de 3% en moyenne et en 2019, l'augmentation est également de l’ordre de 3% en moyenne. Sachant que les dépenses de santé ont augmenté de 2,3%, nous sommes un peu en dessus pour compenser la pause de 2017.
Faut-il revoir votre modèle économique ?
Nous étudions plusieurs pistes pour rééquilibrer notre résultat technique afin d’être moins dépendants aux produits financiers. Aujourd'hui, la cotisation des adhérents est proportionnelle au niveau de revenus. Certains adhérents contribuent plus fortement à la solidarité que d’autres. La cotisation continuera à être proportionnelle au salaire, mais nous étudions la possibilité de revoir le niveau de progressivité, d'instaurer de nouveaux plafonds, de trouver de nouveaux équilibres...
Nous nous interrogeons, par exemple, sur une approche plus familiale, pour une meilleure répartition des efforts entre célibataires et familles avec enfants.
Allez-vous faire évoluer l'offre ?
Nous pensons qu'il ne faut pas uniquement jouer sur les cotisations. Nous travaillons à notre système prestataire. En optique un tiers de nos adhérents a déjà accès à un équipement sans reste à charge via le réseau Optistya. Nous allons utiliser le nouveau réseau Kalixia pour d'autre type de prestations. Par exemple, nous offrons actuellement un forfait de médecines douces à nos adhérents mais nous allons offrir la possibilité à ces adhérents de s’appuyer sur le réseau Kalixia ostéo pour une meilleure prise en charge à tarifs maîtrisés. Par ailleurs, nous pouvons sans doute agir en hospitalisation, en soins de suite, ou pour le maintien au domicile, je pense que nous avons des économies à faire en améliorant l'organisation et en proposant des solutions au sein de VYV Care.
Souhaitez-vous accentuer la diversification ?
Nous sommes convaincus que de nouvelles offres ou secteurs d'activité peuvent nous apporter du résultat financier. C’est le cas depuis longtemps de la garantie de prêts immobiliers que nous proposons avec CNP Assurances. Mais je pense aussi à l'épargne retraite, ou à Vyv International Benefits pour la couverture de certains expatriés. Ces activités, dès lors qu’elles dégagent une marge, viennent équilibrer le modèle, au service in fine des prestations rendues à nos adhérents, et non d’actionnaires.
Le directeur général de Vyv a dit que Mutex avait vocation à devenir l'opérateur prévoyance de toutes les mutuelles du groupe. Cela remet-il en question votre partenariat avec CNP Assurances ?
Nous continuons à travailler avec CNP dans le cadre de notre offre dépendance, proposée en inclusion dans la plupart de nos offres santé. Le transfert de ce contrat vers Mutex n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant.
Le paysage des mutuelles de la fonction publique pourrait également changer les prochaines années. Les adhésions de la Mutuelle Générale des Affaires Sociales (MGAS) et d'Intériale au groupe Vyv sont évoquées. Qu’en dites-vous ?
Le groupe Vyv est un groupe résolument mutualiste. Il reste ouvert. Si des mutuelles veulent rejoindre le groupe, c’est une bonne nouvelle. Nous étudierons, le moment venu, les demandes d’adhésion d’autres mutuelles qui le souhaitent.
Cela ne vous pose pas de problème de voir d'autres mutuelles de la fonction publique adhérer au groupe Vyv ?
Si c'est pour travailler ensemble, non. Mon raisonnement est simple : la Mutualité couvre 52% des Français. Il reste encore 48% à convaincre de rejoindre une mutuelle… et nous pouvons sans doute le faire ensemble.
Est-ce que la porte d'entrée serait MGEN Partenaires ?
L'UGM MGEN Partenaires sert à mettre en commun des outils avec des mutuelles partenaires quand il y a un intérêt commun à faire ensemble. Avec la MAEE, par exemple, parce qu'on partage les systèmes d'information, et nous sommes présents auprès de nos adhérents expatriés dans les mêmes pays. Avec la MCVPAP, nous avons en commun la gestion du régime obligatoire et des outils informatiques. Avec la Mutuelle des Sportifs, c'est un peu différent, nous voulons accélérer dans le domaine du sport santé. En rejoignant MGEN partenaires, ces mutuelles conservent leur indépendance, tout en mettant un pied dans le Groupe.
Le gouvernement veut permettre la résiliation des contrats santé à tout moment. Qu’en pensez-vous ?
C'est une mesure anti-solidaire. Chez nous, certains adhérents retraités paient 40 euros par mois, à 70 ans. Ils n’auront aucun intérêt à changer de contrat. Accélérer le zapping, c'est forcément au bénéfice des publics les plus jeunes et au détriment des plus anciens, qui finiront par payer seuls leur propre risque. Nous concernant, je ne suis pas trop inquiet car nos adhérents sont fidèles. Mais je ne vois pas comment UFC Que Choisir peut affirmer qu'on va économiser 1,2Md d'euros avec une telle mesure avec les coûts de gestion qu’elle engendrerait. Sans oublier qu’elle générera des problèmes de tiers payant car personne ne pourra suivre l’évolution des droits qui sont aujourd’hui annuels.
Est-ce une punition du ministère des Solidarités et de la Santé ?
Nous avons cette sensation, oui.
Agnès Buzyn vous a aussi demandé de baisser les frais de gestion. Quelles sont vos marges de manœuvre ?
C'est un des sujets qui m'irritent le plus. Personne ne s'interroge sur le niveau de frais de gestion d'une voiture. A la MGEN, nous faisons beaucoup d'efforts pour les réduire : 15 millions d'euros en 2017, puis 18 millions supplémentaires en 2018. Mais nous devrions plutôt regarder le taux de redistribution. Chez nous, quand un adhérent paie 100 euros, il perçoit en moyenne 92 euros de prestations. Chez certains, ce taux est à peine supérieur à 70%. Nous réservons également une place importante à la prévention. Comment nous demander de faire de la prévention tout en nous demandant de baisser les frais de gestion qui intègrent les coûts de la prévention ?
La Ministre ne peut pas dire que nous sabotons la réforme du gouvernement. Ce qui va gêner la réforme est probablement l'absence de généralisation du tiers payant. Les complémentaires sont prêtes.
Dans le cadre de la réforme de la fonction publique, le sujet de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires est évoqué.
Etant donné le manque de participation des employeurs publics, je suis contre une complémentaire santé obligatoire au sein de l'Education nationale. D’autant plus qu’il faudrait traiter de la question des retraités qui sont aujourd’hui concernés par les référencements. L'adhésion volontaire est, pour moi, l'essence du mutualisme. Je préférerais qu’on reprenne l’idée du crédit d’impôt.
Vous avez également reconduit la délégation de gestion du régime obligatoire à l'Education nationale jusqu'en 2022. Après les étudiants et les indépendants, les enseignants ne risquent-ils pas d'être rapatriés au sein du régime général ?
Tant que je serai là, je continuerai à défendre et promouvoir cette délégation qui offre le guichet unique. Nicolas Revel, directeur général de la CNAM, a souligné la qualité des relations et la fiabilité de gestion des partenaires du régime obligatoire que sont la MSA et la MGEN.
La concertation sur la perte d'autonomie est actuellement en cours. Préconisez-vous de généraliser une assurance dépendance obligatoire sur le modèle de la MGEN ?
Aujourd'hui notre garantie dépendance est un début de réponse qui couvre plus de 2 millions de personnes. C'est une garantie annuelle adossée à la complémentaire santé. Une garantie viagère pour un groupe de 2 millions de personnes serait difficile à provisionner. Seule une généralisation à 60 millions de personnes, pourrait permettre de réaliser quelque chose de plus ambitieux. Sur le sujet de la dépendance, il faudrait donc un financement mutualisé, car nous sommes un des pays où le reste à charge en EHPAD est le plus élevé d'Europe. Sans un premier étage mutualisé et un plafonnement des tarifs, il y aura beaucoup trop d'inégalités.
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