Thomas Saunier : « Le plus difficile c’est de construire une culture d’entreprise commune »

vendredi 11 janvier 2019
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INTERVIEW – Thomas Saunier, directeur général de Malakoff Médéric Humanis détaille les prochaines étapes de création du nouveau groupe, opérationnel depuis le 1er janvier 2019.

Vous avez rapproché les groupes Malakoff Médéric et Humanis en moins d'un an. Comment cela s’est-il passé ?

En janvier 2018, les discussions ont démarré sur la retraite complémentaire pour préparer le deuxième contrat d'objectifs et de moyens. Très vite, en mars, nous avons décidé d’étudier également les synergies en assurance de personnes. En juin 2018, le rapprochement a été voté par les instances des deux groupes et Malakoff Médéric Humanis est opérationnel depuis le 1er janvier 2019. Le rythme a été soutenu et nous avons veillé à respecter le temps de la décision politique avant de lancer les chantiers opérationnels.

Que reste-t-il à faire ?

Aujourd'hui, nous avons une seule association sommitale, une entité tête de groupe assurantielle et 2 associations de moyens qui sont les entités employeuses (retraite complémentaire et assurance de personnes). D’ici juin 2019, nous allons simplifier encore nos structures juridiques. Nous allons étudier la fusion des institutions de retraite complémentaire, par exemple. Par ailleurs, nous allons étudier la possibilité d’avoir une seule Sgam à laquelle seraient affiliés les différentes entités mutualistes et paritaires du groupe afin de simplifier le schéma existant (sgam faîtière et en dessous une sgam Malakoff Médéric et une sgaps Humanis).

Et sur le plan opérationnel ?

Un nouveau comex est en place depuis le 1er janvier 2019. Chaque membre du comex doit proposer une organisation unique pour la fonction qui lui est confiée. En attendant, les collaborateurs ex-Humanis et ex-Malakoff Médéric lui sont rattachés. D'ici à juin, toutes les directions vont faire cet exercice. Nous commencerons avec les fonctions clés et la direction du développement qui devrait être en place d'ici le 1er avril, pour porter une offre commerciale unique.

Parallèlement nous définirons un projet d'entreprise, c’est-à-dire des orientations stratégiques et la définition d’une culture commune à construire. Nous présenterons ce projet d’entreprise aux instances politiques du groupe fin mars 2019.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans la construction du groupe Malakoff Médéric Humanis?

Le plus difficile n’est pas de définir les orientations stratégiques ni les organisations. Le travail le plus long sera de développer une culture d'entreprise commune qui recueille l’adhésion de tous les collaborateurs. J'ai parfaitement conscience que l'histoire récente des deux groupes n'est pas complètement la même mais nous devons maintenant tous nous projeter dans l’avenir du nouveau groupe.

Finalement, nous avons créé une start-up en janvier 2019, certes grosse, mais une start-up. Nous voulons construire une nouvelle culture d'entreprise, une nouvelle culture managériale autour de deux axes clés : la confiance des collaborateurs et la satisfaction des clients. Nos métiers très réglementés nous imposent d’être agiles, de travailler de façon transversale, je suis convaincu également que la réussite passe par une plus grande écoute et responsabilisation de l’ensemble des collaborateurs qui sont sur le terrain.

Le nom Malakoff Médéric Humanis est-il définitif ?

C'est une marque provisoire. La marque définitive sera dévoilée début 2020, mais elle n'est pas encore choisie. Nous étudierons toutes les possibilités : un nouveau nom, un nom parmi trois, deux noms parmi les trois. Les orientations stratégiques et le nouveau positionnement du groupe orienteront ce choix.

Dans votre comex composé de 14 personnes, vous avez choisi uniquement deux personnes en provenance d'Humanis. Ce rapprochement ne prend-il pas la forme d'une absorption ?

Parmi les 12 personnes issues de Malakoff Médéric, il y en a 6 qui n'étaient pas chez Malakoff Médéric il y a deux ans. J'ai souhaité m’entourer des meilleurs collaborateurs. Le choix s'est fait selon des critères très objectifs lié à la compétence, aux résultats obtenus et à l'expérience.

Est-il vrai que vous avez renforcé les provisions d'Humanis de 300 millions d'euros ?

Je ne peux pas répondre à cette question avant le mois d'avril parce que les comptes n'ont pas été arrêtés. Ce qui est sûr c'est que nous ferons converger les méthodes de provisionnement sur le plan règlementaire et prudentiel. Malakoff Médéric a renforcé ses provisions en 2016, Humanis l'a fait l'année dernière.

Allez-vous présenter des comptes consolidés des deux groupes pour 2018 ?

Pour les comptes 2019, oui, mais pas pour les comptes de 2018.

Comment souhaitez-vous adresser les branches professionnelles ?

Les branches professionnelles continueront à être un axe de développement fort pour Malakoff Médéric Humanis, comme elles l’ont été pour les deux groupes fondateurs. Deux modèles sont possibles. Klesia, AG2R La Mondiale et Malakoff Médéric ont privilégié une relation directe avec les branches sous leur propre marque, alors que d'autres comme Humanis ont constitué des groupements (Adéis ou Mutex). Nous devrons choisir un mode opératoire unique. Le choix devrait se faire d'ici fin janvier. Aujourd'hui, à fin 2018, Malakoff Médéric réalise 400 millions d'euros de chiffre d'affaires avec les branches professionnelles, et Humanis, 200 millions d'euros. L'objectif aujourd'hui est moins d'aller chercher de nouvelles recommandations que de conquérir les entreprises adhérentes de ces branches et d’équilibrer les régimes.

Pour redresser les comptes d’Humanis, la résiliation de contrats déficitaires a-t-elle été nécessaire en 2018 ?

Les cycles de conquête commerciale et ceux où l’on recherche les équilibres techniques sont des cycles différents. Si on compare l'année 2018, c'est vrai que Malakoff Médéric était plus en conquête et Humanis, dans un cycle de recherche d'équilibres techniques.

Est-ce que le périmètre du groupe est consolidé ?

Nous voulons continuer à travailler en architecture ouverte. Aujourd'hui, rejoindre la Sgam Malakoff Médéric Humanis c'est partager une solidarité financière et chercher des synergies commerciales, techniques, informatiques, de gestion. Nous avons le souhait d'accueillir d'autres structures au sein du groupe. Nous sommes en discussion avec des mutuelles. Venir chez Malakoff Médéric Humanis c'est un gage de solidité financière grâce à nos 6 milliards d'euros de fonds propres. D’autres modalités de coopérations sont possibles à travers des partenariats stratégiques ou commerciaux.

A la différence d’autres rapprochements du secteur comme AG2R-Matmut ou Aesio-Macif, vous avez décidé de constituer un groupe uniquement d’assurance de personnes. Seriez-vous favorable à intégrer un spécialiste de l’assurance dommages ?

Avant d'arriver chez Malakoff Médéric Humanis, j'avais en charge le marché des professionnels, particuliers et entreprises en IARD et assurance de personnes de Generali. J’ai constaté que les synergies entre ces deux métiers étaient très faibles. C’est pourquoi nous avons fait le choix de nous renforcer sur notre cœur de métier.

Est-ce que vous êtes ouvert à travailler avec des agents généraux ?

Nous avons choisi de travailler avec le courtage et d'être parmi les deux marques préférées des courtiers. Certains agents généraux font aussi du courtage et travaillent avec nous, mais ils ne représentent pas la majorité de nos apporteurs. Nous utilisons également d’autres canaux de distribution comme le direct, la vente à distance, internet, des partenariats…

Dans quel domaine souhaitez-vous vous développer davantage ?

Nous souhaitons développer la prévoyance et la santé collectives, notre métier de base, dont nous avons 17% de parts de marché. Nous avons la chance d'avoir de bons réseaux de distribution dans ce domaine et nous souhaitons renforcer notre position.

Emmanuel Macron a convoqué les assureurs fin 2018 pour vous demander de faire un geste en faveur du pouvoir d’achat des Français. Que répondez-vous ?

La première demande du président était de ne pas faire d'augmentation de tarif en 2019 au titre du 100% santé. Bien entendu, nous sommes d’accord. Il nous a également demandé de modérer nos augmentations tarifaires. Nous respecterons ces engagements. La répercussion de l’inflation naturelle des dépenses de santé dans nos contrats collectifs sera de l'ordre d'1,9% en moyenne, en dessous de l’augmentation de l’ondam qui est de 2,5%. Nous avons même souhaité aller plus loin : nous avons mis en place un fonds d'action sociale pour gommer les augmentations de tarifs des contrats individuels pour les foyers dont le revenu est inférieur à 2.000 euros par mois. Nous réalisons 15% de notre chiffre d'affaires en individuel.

Emmanuel Macron et Agnès Buzyn ont également demandé une baisse des coûts de gestion. Quelle est votre objectif de réduction de frais de gestion ?

Nous sommes actuellement à 17% de frais de gestion, 3 points au-dessous de la moyenne. Chaque année nous diminuons ces frais. Le rapprochement permettra d'avoir plus de synergies. A horizon 2022, notre objectif est de baisser de 100 millions d'euros les frais de gestion en assurance de personnes et de 80 millions d'euros en retraite complémentaire.

Comment allez-vous y parvenir ?

Par les synergies, c’est-à-dire par les gains de productivité tout en respectant les engagements sociaux forts que nous avons pris : pas de départ économique contraint, pas de mobilité géographique contrainte en dehors d'un bassin d'emploi, et pas de déclassification. Dans un premier temps, cela va se matérialiser sur les achats externes. Nous allons ré-internaliser certaines prestations qui sont aujourd'hui externalisées. Cette démarche s’accompagnera d’une GPEC adaptée. Certains collaborateurs pourront ainsi changer de métier. Dans un deuxième temps, à moyen-long terme, notre masse salariale diminuera. En effet, nous avons une pyramide des âges favorable et une souplesse liée aux contrats à durée déterminée.

Allez-vous verser une prime de fin d’année pour les salariés qui gagnent moins de trois fois le Smic ?

Chez Malakoff Médéric, en 2018, les augmentations générales individuelles et primes hors « prime Macron » ont représenté 3,2%. Pour l’ensemble des collaborateurs, c’est 600 euros d’augmentation. Nous définirons en février une nouvelle politique de rémunération qui fera l’objet d’une discussion avec les instances du personnel.

Grâce au rapprochement, vous aurez plus de capacité d'investissement. Dans quels domaines souhaitez-vous investir ?

Aujourd'hui, nous avons la conviction qu'il y a trois facteurs de différenciation : d'abord, les services que Malakoff Médéric ou Humanis ont pu développer, ensuite, l'innovation, le digital et la data pour améliorer l'expérience client, et enfin, en tant qu'acteur non lucratif, notre action sociale et sociétale à laquelle nous consacrons plus de 150 millions d'euros par an.

Allez-vous simplifier votre offre de services ?

La réflexion sur les services est intégrée à notre projet d’entreprise. Certains, peu utilisés, seront supprimés. L'innovation sans usage ne sert à rien. Nous allons en créer de nouveaux et mieux les faire connaître pour en augmenter l'usage.

Comment voyez-vous l’avenir du métier d’assureur complémentaire ?

Nous exerçons un métier de plus en plus régulé. Il faut laisser une souplesse et une liberté dans le choix des garanties que chaque Français souhaite avoir. 70% de nos entreprises clientes sont au plafond du contrat responsable. Si on commence à baisser le plafond, on va créer plusieurs millions de mécontents.

Quel est le rôle des réseaux de soins dans le cadre du reste à charge zéro ?

Je suis convaincu que les réseaux de soins continueront à exister et auront encore plus de valeur ajoutée demain qu'aujourd'hui. Le réseau Kalixia c'est quasiment 20 millions de personnes protégées, soit un Français sur trois. En optique, passer par le réseau de soins permet d'économiser en moyenne 200 euros. L'offre reste à charge zéro sera une offre parmi d'autres. Les assurés pourront comparer les offres reste à charge zéro hors réseau et dans le réseau. Nous serons capables d'offrir une qualité supérieure via le réseau à la fois en verre et en monture.

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