Tribune : "Retour sur nos priorités d'action 2016", par Bernard Delas
Bernard Delas, vice-président de l'ACPR revient sur l'année 2016 sous l'angle de la réglementation, et notamment sur les priorités d'action de l'autorité de contrôle. Certaines d'entre elles restent d'ailleurs d'actualité.
L’entrée en vigueur du cadre prudentiel « Solvabilité II » restera pour le secteur de l’assurance l’événement le plus marquant de l’année 2016. Cette refondation réglementaire, en dépit de son ampleur, s’est déroulée de manière satisfaisante grâce à la qualité des travaux préparatoires et à une forte mobilisation des assureurs et de l’ACPR. Des ajustements techniques seront bien sûr nécessaires et la révision de la directive programmée pour 2018 doit être préparée avec soin afin d’apporter à notre nouveau cadre prudentiel les aménagements nécessaires. A cet égard, la recherche d’une approche cohérente et homogène de notre réglementation commune par les autorités nationales de chacun des Etats membres de l’Union est un des enjeux majeurs pour le bon fonctionnement du marché unique et pour la crédibilité européenne et internationale de Solvabilité II.
Les taux bas
2016 aura également été une année de grands défis en assurance vie. La poursuite de la baisse des taux qui auront atteint un plus bas historique, a encore réduit les marges dont disposent les assureurs pour faire face à leurs engagements. Dans ce contexte, l’autorité les a, une nouvelle fois, appelé à faire preuve de prudence et de modération dans la fixation du taux de revalorisation de leurs contrats. Par ailleurs, le législateur a donné au Haut Conseil pour la stabilité financière (HCSF) des pouvoirs nouveaux. Dans le scénario extrême d’une brutale remontée des taux, il pourra limiter ou suspendre les rachats pour une période ne devant pas excéder trois mois. Cette mesure qui ne serait prise qu’en cas de grave crise financière a donné lieu à un intense débat public et à des polémiques. Celles-ci me paraissent d’autant plus regrettables que le sujet étant devenu passionnel, nos messages n’ont pas été suffisamment entendus. Il devrait être pourtant clair pour tous que c’est d’abord dans l’intérêt des assurés que les superviseurs ont pour mission de préserver la stabilité financière en garantissant la solvabilité des assureurs.
La complémentaire santé
L’assurance santé connaît également depuis trois ans une succession d’évolutions réglementaires et législatives qui modifient profondément la structure du marché et les conditions de concurrence : fin des clauses de désignation dans les accords collectifs, généralisation de la complémentaire santé dans les entreprises, création du mécanisme de recommandation et limitation des tarifs pour l’assurance santé individuelle des seniors. Ces bouleversements affectent tout particulièrement les mutuelles du code la mutualité et les institutions de prévoyance dont l’assurance santé, individuelle ou collective, est le cœur de métier. Il en résulte une forte dégradation de la rentabilité du secteur. Les organismes les plus exposés doivent augmenter leurs tarifs, réorienter leur politique commerciale et procéder à une réduction drastique de leurs coûts de fonctionnement. Cette situation a par ailleurs pour effet d’accélérer un mouvement, déjà engagé depuis plusieurs années, de rapprochements et de fusions qui appelle bien sûr la plus grande vigilance de la part de l’ACPR.
La protection des clients
Depuis la crise des subprimes de 2008, les questions d’éthique, de conduite des affaires et de protection de la clientèle sont de plus en plus liées à la régulation prudentielle. C’est pourquoi les superviseurs, dont la responsabilité ultime est de préserver la stabilité financière, y attachent une importance croissante. Cette préoccupation apparaît ainsi fortement dans les derniers textes européens comme la directive sur la distribution des produits d’assurance (DDA) ou encore le règlement PRIIP sur l’information précontractuelle à respecter pour la vente des produits d’investissement packagés. Ces textes qui entreront en vigueur au début 2018 introduisent, à coté de solvabilité II, un corpus de règles et de principes qui touchent à de nombreux aspects de la distribution : segmentation de la clientèle, conception des produits, information des clients et connaissance de leurs besoins, rémunération des réseaux commerciaux et des intermédiaires, etc. Le respect de ce nouveau cadre réglementaire s’impose bien sûr à tous les assureurs mais il ne doit pas pour autant être considéré comme une fin en soi. Leur véritable challenge reste, comme cela a toujours été le cas, de développer dans la durée une relation de confiance avec leurs clients.
La gouvernance
C’est au conseil d’administration et à la direction générale qu’il appartient de se donner les moyens de construire cette relation de confiance et de prendre, au-delà des textes, les initiatives qui permettent à l’entreprise de s’imposer sur son marché tout en prenant en compte les intérêts fondamentaux de ses clients. L’importance des bonnes pratiques en matière de gouvernance et de gestion des risques n’a d’ailleurs pas échappé au régulateur qui renforce considérablement, dans solvabilité II, les responsabilités du conseil d’administration, des dirigeants effectifs et des fonctions clés.
Bernard Delas
À voir aussi
Complémentaire santé : L’Adaf fait des propositions au HCAAM
Cercle LAB : Retour sur la 1ère réunion du club juridique [2019/2020]
Assurance construction : La LPS s'invite à la conférence FFA