CGP : La rémunération par commission est-elle pertinente ?
Alors que la Commission européenne entend revoir la réglementation liée à la protection des investisseurs, plusieurs associations professionnelles européennes mandatent le cabinet de conseil KPMG pour une étude sur le sujet. L'analyse se penche notamment sur la pertinence des modèles de rémunération des intermédiaires en Europe.
Trois années après la mise en place de MIF II, la Commission européenne a annoncé une revue des règles de protection des investisseurs. Prenant place au courant de l’année 2022, l’évaluation comporte notamment une analyse des règles applicables dans le domaine de la rémunération des distributeurs, prenant en compte le système de rémunération via les commissions sur la stratégie d’investissement de détail.
Dans ce contexte, une vingtaine d'associations professionnelles européennes du secteur financier - dont l'Anacofi - ont décidé de mandater le cabinet de conseil KPMG afin d'analyser le coût total de détention (CTD) des instruments financiers distribués selon les deux modèles de rémunération et ainsi démontrer les enjeux de la coexistence de ces deux modèles au sein de l’économie.
En plus d’une analyse des coûts, elle apporte un éclairage sur la qualité des services fournis ainsi que le rôle que peut jouer la rémunération via commissions dans la transition vers une économie plus durable.
Afin de comparer les systèmes existants, KPMG a étudié les situations actuelles en Italie, France et Espagne ainsi que les modèles appliqués au Pays-Bas et au Royaume-Uni. Ces derniers sont les seuls territoires européens à ne pas permettre un modèle de rémunération fondé sur les commissions.
Commission = Démocratisation ?
Le cabinet de conseil a tout d’abord comparé les niveaux de coût des deux modèles pour les investisseurs de détails, comprenant les coûts de frais d’entrée, frais courants et frais de sortie, mais aussi les coûts des services. « Lorsque les montants investis sont faibles, le modèle de rémunération fondé sur les commissions permet de fournir un service que l’autre modèle ne fournit pas », peut-on lire dans le rapport. Et pour cause, au Royaume-Uni, un client disposant d’un montant à investir de 116.442 euros ne bénéficie d’aucune prestation de conseil en investissement, ou s’il en reçoit, celle-ci est limitée. Aux Pays-Bas, les investisseurs de détail grand public n’accèdent pas à ces prestations – ou y accèdent de manière limitée – si leur patrimoine financier est inférieur au seuil de 500.000 euros d’actifs investis.
Contrairement au modèle de rémunération fondé sur les honoraires, les commissions permettent à tous les clients, y compris les moins fortunés, de bénéficier de prestations de conseil en investissement à un coût raisonnable. Pour rappel, la moitié des ménages de la zone euro détient un patrimoine inférieur à 10.300 euros et la médiane se situe à 11.000 euros pour les ménages français, selon les données de la BCE.
Alors que le mode de rémunération via commissions donne accès au conseil à des ménages moins aisés, le niveau de coût supporté par les investisseurs plus fortunés n’en est pas affecté au-delà d'un certain montant d’investissement. Toujours, selon l’étude KPMG, « passée la barre des 100.000 euros de patrimoine, les deux modèles présentent des niveaux de coûts similaires pour les investisseurs de détail, explique le rapport. En France, en Italie et en Espagne, le coût total de détention moyen est inférieur aux coûts appliqués au Royaume-Uni pour tous les types de produits et s’avère en réalité très proche de celui des Pays-Bas, malgré l’écart important observé entre les seuils d’investissement des deux pays ».
Une qualité de service moindre
Avec la mise en place de la réglementation MIF II , « le modèle de rémunération fondé sur les commissions aboutit à une amélioration de la qualité du service », selon le rapport de l’étude. En effet, dans le but de prévenir tout conflit d’intérêt, les intermédiaires ont revu leur méthode de communication. En plus de fournir des conseils en investissement – participant à l’éducation financière des ménages les moins aisés – les intermédiaires ont établi des politiques de rémunération claires et ont renforcé leur cadre de gouvernance interne. L’interdiction des commissions pourrait alors, entraîner un risque d’exclusion d’une partie des investisseurs européens aux prestations de conseil, selon le rapport du cabinet de conseil.
Éducation financière et responsable
Alors que le nouveau cadre réglementaire européen souhaite promouvoir et renforcer la transparence des investissements durables, « la fourniture de conseil en investissement aux clients de détail s’avère être un outil clé, peut-on lire dans le rapport. Des décisions telles qu’une interdiction totale des commissions pourrait restreindre la fourniture de ces prestations de conseil en investissement et compromettre l’objectif final ».
Via le modèle de rémunération fondé sur les commissions, l’étude montre que cette méthode pourrait permettre à tous les ménages de participer au financement de la transition écologique, quel que soit le montant du patrimoine.
Un risque de hausse des coûts
D’après l’analyse de KPMG, les effets secondaires d’une interdiction totale des commissions ne résident pas seulement dans les inégalités et la baisse de qualité de service. Le cabinet de conseil craint, en effet, un effet connexe à l’interdiction des commissions qui se répercuterait sur les coûts à supporter lors de l’acquisition d’un instrument financier. En effet, « il en résulte que les investisseurs de détail n’auraient plus accès à ces instruments financiers ou qu’ils devraient les acquérir par le biais d’une autre contrepartie éligible, ce qui entraînerait une augmentation des coûts à supporter ».
La réévaluation de la réglementation devrait se faire au courant de l’année 2022 afin de déterminer la pertinence des deux modèles de rémunération au sein de l’Union Européenne.
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