D. Maisonneuve : « Faire sauter des verrous des femmes via le réseau »

jeudi 8 mars 2018
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INTERVIEW- Delphine Maisonneuve, 49 ans, est directrice métier IARD Particuliers et Professionnels d’Axa France, membre du réseau Mix’in pour la promotion de la mixité chez Axa, présidente de WoMen@Axa (réseau international au sein d’Axa) et co-présidente de la fédération Financi’elles, qui regroupe douze réseaux de promotion de la mixité dans les secteurs banque et assurances.

Où en est la promotion de la mixité dans le secteur de l’assurance ?

Il reste encore du chemin à faire pour introduire plus de mixité dans les comités exécutifs des entreprises et dans les conseils d’administration, mais la 3ème étude « Confiance et mixité » que nous avons menée avec CSA et Deloitte montre que l’idée selon laquelle la mixité est en retard dans les secteurs de la banque et de l’assurance est une idée reçue.

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Quelle est la place réservée aux femmes dans les comités exécutifs ?

Il y a encore des stéréotypes. C’est vrai qu’au sein des comités exécutifs, les femmes sont plus représentées dans les postes de DRH, de Communication de directeur juridique ou de directeur des risques ou de l’audit, mais en revanche elles sont moins nombreuses dans les postes de direction opérationnelle ou commerciale.

Vous êtes engagée dans plusieurs réseaux pour la promotion de la mixité. A quoi servent ces réseaux ?

Le réseau donne des outils pour prendre sa carrière en main. Cela permet de nourrir sa propre réflexion pour progresser dans l’entreprise. Nous organisons des événements pour enrichir la réflexion sur la place des femmes dans l’entreprise, des conférences avec des intervenants extérieurs. En outre, le réseau permet de faire sauter des verrous psychosociaux au sein des femmes elles-mêmes. Le partage d’expériences de femmes qui ont construit de belles carrières permet de montrer que les femmes peuvent avoir accès à de super postes sans être des ovnis pour autant, tout en étant une femme comme les autres hommes. Les réseaux sont également des outils de networking pour mettre en relation des femmes et des hommes qui partagent les mêmes convictions. Enfin, les réseaux sont également à l’origine des initiatives de mentoring ou de sponsoring pour promouvoir la mixité au plus haut niveau au sein d’Axa.

Pourquoi les femmes ont-elles besoin d’un coaching pour faire carrière ?

Sans vouloir faire de la sociologie de comptoir, peut-être que les femmes sont plus frappées par le syndrome de la bonne élève et ont plus besoin de se rassurer, d’être vraiment sûres qu’elles ont toutes les compétences avant d’oser demander une certaine promotion. Elles ont eu tendance aussi à investir peu dans le « networking ».

Comment se passent les relations entre les réseaux et la direction des ressources humaines ?

Je pense qu’il y a une réelle complémentarité entre l’action d’un réseau interne et de la direction des ressources humaines, si la promotion de la mixité est perçue comme un facteur de performance des entreprises. Le réseau est également un « challenging partner » des ressources humaines. Les rencontres informelles de personnes intéressées par la mixité permettent de nourrir la réflexion des DRH et permettent d’améliorer la promotion des femmes.

Financi’elles a mis en place un observatoire qui rassemble les DRH des entreprises présentes dans la fédération. L’observatoire fournit des outils et permet d’utiliser des référentiels communs pour évaluer la mixité au sein des entreprises.

Le réseau d’Axa compte aujourd’hui 30% d’hommes. Mènent-ils le même combat ?

La contribution des hommes est extrêmement positive : ils questionnent nos interdits et enrichissent la réflexion. Avoir un réseau mixte permet aussi d’éviter les fantasmes qui peuvent survenir lié au fait que les femmes se réunissent entre elles.

Pourquoi rejoignent-ils le réseau ?

La plupart des hommes qui rejoignent le réseau sont des alliés convaincus du combat pour la mixité ; soit parce qu’ils ont une conjointe active, soit parce qu’ils ont des filles qui font face aux mêmes défis. Ou parce qu’ils ont eu une mère active. Ou tout simplement parce qu’ils perçoivent la valeur d’une équipe mixte. Par ailleurs, les sujets qui historiquement étaient du ressort du combat des femmes sont aujourd’hui partagés par les hommes. Par exemple, le problème du présentéisme, c’est à dire l’obligation d’être présent à l’entreprise après 19h pour être promu aux postes de responsabilité. Ou bien le combat pour l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, ou encore la promotion du style de management coopératif par rapport à un style plus « command and control » sont des revendications partagées par beaucoup d’hommes.

A titre personnel, avez-vous été confrontée à des problèmes de sexisme ?

Aujourd’hui, j’ai une certaine expérience, mais au début de ma carrière j’ai parfois expérimenté des commentaires désagréables. J’ai eu la chance de travailler dans une entreprise où la question de la mixité est abordée depuis longtemps. Cela dit, je me suis battue contre le paternalisme, c’est-à-dire, cette attitude qui consiste à penser que parce que j’avais des enfants en bas âge, je ne pouvais pas accéder à un poste qui impliquait des déplacements ou que je n’étais pas capable de supporter la pression. Ce n’est pas de la misogynie mais plutôt l’envie de me protéger.

Est-ce que vous avez des regrets ?

Je me suis demandé à certains moments, est-ce que je fais ce que je dois faire pour mes quatre enfants ? C’est une question que se posent beaucoup de femmes, et j’imagine beaucoup d’hommes aussi, mais heureusement mon environnement familial m’a toujours soutenue. Au final, je suis heureuse de faire un métier que j’adore.

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