Santé : Snapchat, nouveau terrain de jeu de la fraude à la mutuelle
VIDÉO - Snapchat est devenu un réseau social propice à la fraude à la complémentaire santé, notamment sur des actes d’implantologie et avec la complicité des assurés.
Attirés par un « bon plan » sur Snapchat, des trentenaires espèrent gagner 2.000 euros sans trop d’effort. Pour cela, ils sont prêts à transmettre les identifiants de l’espace client de leur complémentaire santé à des inconnus qui promettent un gain rapide.
Le mode opératoire est souvent le même. Des professionnels de santé se font usurper leur qualité de dentiste par des individus qui émettent des fausses factures d’implants dentaires pour un montant de 3.000 à 4.000 euros. Après avoir reçu les codes de connexion de l’assuré, le fraudeur se connecte sur l’espace adhérent de la mutuelle et fait une demande de remboursement. L’assuré s’engage ensuite à partager les gains avec le fraudeur.
Le secteur de la complémentaire santé a enregistré une forte hausse des prestations dentaires en 2021, mais le succès du 100% santé n’est pas la seule raison de cette augmentation. Ayant constaté des comportement anormaux, certains assureurs ont interpellé l’Alfa, l’agence de lutte contre la fraude à l’assurance.
Pendant le mois de juillet et août, l’Alfa a repéré environ 200 assurés qui demandaient un remboursement d’implants dentaires pour un montant total d’environ 800.000 euros.
Un faisceau d'indices qui conduit vers Snapchat
Ce qui a mis la puce à l’oreille des assureurs, c’est que les demandes de remboursement émanent toutes de jeunes de 30 à 45 ans, un âge anormalement précoce pour l’installation d’un implant.
L’agence anti-fraude a constaté que le phénomène concerne des professionnels de santé et des assurés partout en France. Toutes les factures en provenance du même professionnel de santé présentent le même montant, seulement le nom de l’assuré varie. Autre indice de fraude, alors que le professionnel de santé exerce dans l’Essonne, aucun des assurés n’habite dans ce département. L’agence a également tiqué lorsqu’elle s’est aperçue que les assurés n’ont pas réalisé de visite préalable chez un dentiste. En revanche, les factures d’implantologie sont accompagnées d’autres factures d’actes dentaires connexes.
Le dentiste ne pose pas d'implants
Face au soupçon de fraude, certains assureurs ont pris contact avec les dentistes en question, qui a nié être à l’origine de la facture. L’usurpation de la qualité de dentiste a été corroborée par le fait que le dentiste ne pratique même pas l’implantologie !
« C’est un phénomène global, en masse et très rapide. La facture n’est pas la bonne et le soin est improbable. En revanche, les demandes de remboursement sont parfois accompagnées d’un faux décompte de la CPAM », commente l'Alfa.
Souvent, les fraudes sont concentrées autour de certains contrats collectifs, ce qui induit les assureurs à penser que le bon plan a été partagé entre des collègues d’une même entreprise. Le faisceau d’indices et notamment l’âge des assurés conduit les assureurs vers Snapchat.
Les conséquences de ce type de fraude qui se répand sur les réseaux sociaux sont graves. Ces « bons plans » constituent un préjudice pour l’image de certains assureurs et courtiers comme Pro BTP, Gras Savoye, Harmonie Mutuelle, MMA, Henner ou encore Mercer dont le logo est parfois intégré dans l'appel à la fraude.
[caption id="attachment_1519079" align="aligncenter" width="400"] Les logos de certains assureurs sont intégrés dans les appels à la[/caption]Les assureurs concernés ont signalé le phénomène à Snapchat et à Pharos, le portail officiel de signalement des contenus illicites de l'Internet. Le réseau social a fermé les comptes des fraudeurs mais 48 heures après, ceux-ci ont créé un nouveau compte sous un autre nom et reproduit le même mode opératoire.
Soupçons de blanchiment
Ce type de fraudes soulève plusieurs questions, et notamment la complicité des assurés avec les instigateurs, car ils ont accepté de communiquer leur numéro de sécurité sociale, carte d’identité, tableau de garanties et identifiants de connexion à leur espace client. Une fois que le fraudeur est en possession de ces identifiants, il peut facilement vérifier si le remboursement a eu lieu et peut réclamer les sommes négociées avec l'assuré. Il peut même changer le RIB et l’adresse e-mail de connexion sur l’espace client.
La question de la responsabilité est également incertaine. Sommes-nous face à un phénomène d’hameçonnage ou bien de fraude de la part de l'assuré ? « Nous considérons qu’il y a fraude lorsqu’il y a une intention de l’assuré pour percevoir indûment un profit du contrat d'assurance. Les gens se mettent en danger pour un bon plan et nous ne savons pas ce que devient l’argent », s'inquiète l'Alfa.
Les assureurs s’interrogent également sur la destination des sommes dérobées, qui pourraient financer des activités illégales. Par ailleurs, ce type de fraude met en lumière la problématique sur la sécurisation de documents qui donnent accès à des droits. A ce stade, l’Alfa n’est pas en mesure de mesurer l’ampleur du phénomène. La collecte des informations est en cours et les assureurs n’ont pas encore décidé de la réponse à apporter face à la diffusion rapide de ce type de fraude sur les réseaux sociaux. Une chose est sûre : L’agence ne pourra pas compter sur le témoignage des assurés pour dénoncer les individus à l'origine de l'escroquerie.
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