Les rumeurs sur l'arrivée possible d'Amazon dans l'assurance donnent des sueurs froides à certains qui tempèrent toutefois : le secteur, très encadré, pourrait donner du fil à retordre au géant du numérique.
« Nos concurrents de demain sont Amazon, Apple ou Facebook ». Cette affirmation émane de Thomas Buberl, directeur général du groupe Axa, lorsque ce dernier avait présenté son plan stratégique en 2016. 18 mois plus tard, la prophétie prend un peu plus de corps. Amazon serait en train de recruter une équipe avec pour ambition de « disrupter l'assurance en Europe ». Ni plus, ni moins.
« Ce n'est pas le premier à tenter de disrupter le marché. Google a essayé et nombre de start-up s'inscrivent dans ce mouvement, juge un consultant qui souhaite rester anonyme. Il faudra regarder les offres que pourraient proposer Amazon. Si aujourd'hui le marché de l'assurance est relativement peu dynamique, c'est aussi parce que toutes les offres se ressemblent. Notamment en raison d'un poids règlementaire important. En auto, vous avez par exemple la RC qui, quoi qu'il arrive, est obligatoire ».
Le réel avantage concurrentiel d'Amazon serait donc à chercher du côté de l'expérience client. « Mais là encore, il pourrait se heurter à la réglementation. Nous le constatons avec Orange Bank qui se positionne, dans le domaine bancaire, sur une stratégie de disruption. Et bien que les démarches pour ouvrir un compte sont plus fluides, on continue de sentir le poids réglementaire, poursuit ce consultant. Et l'expérience client se copie. Uber a par exemple complètement bousculé l'expérience client dans le taxi. Mais il a rapidement été copié par G7. Ce n'est pas un avantage concurrentiel pérenne dans le temps. »
A court terme, les contraintes seraient donc les mêmes que pour n'importe quel acteur dit traditionnel de l'assurance. « A plus long terme, nous pouvons toutefois nous interroger sur l'impact du lobbying mené par des acteurs d'une telle taille sur les régulateurs pour faire évoluer les règles », prévient notre consultant.
Reste que la perspective peut effrayer. « Sur le papier, ça fait peur. Amazon a une force de frappe monstrueuse et n'a pas les problématiques de legacy des systèmes d'information que nous avons, confesse un assureur. Pour autant, l'assurance reste un métier assez subtil qui exige beaucoup de savoir-faire ». Comprenez, on ne s'improvise pas assureur, tout géant du numérique que l'on est. Et il demeure une question de rentabilité sur des segments de marché comme l'automobile et habitation, particulièrement compétitifs en France, avec des ratios combinés proches, voire au-delà de 100%.
Ce sujet et celui de la concurrence avec le marché plus lucratif des achats de mots clés assurance avaient notamment refroidi les ardeurs de Google qui avait stoppé ses activités de comparaison d'assurance quelques mois après leur lancement. Le géant du e-commerce pourrait se retrouver face au même dilemme. Car nombre d'assureurs sont clients d'Amazon Web Services pour ses infrastructures de cloud.
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