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Jean-Louis Charluteau : De la nécessité de développer une culture du risque climatique en Outre-Mer

vendredi 17 janvier 2020
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TRIBUNE – Dans le cadre de notre magazine le bilan 2019 de l’assurance, Jean-Louis Charluteau, directeur de la réassurance et des risques naturels de Generali France et administrateur de GFA Caraïbes ainsi que de Prudence Créole a pris sa plume. Il revient sur l’année 2019 en assurance dommages et plus particulièrement sur le risque climatique et se projette sur 2020.

Deux ans après Irma, l’ouragan Dorian a ravagé en 2019 le nord de l’arc antillais. Il est désormais établi que la tendance est à l’augmentation de l’intensité des événements climatiques extrêmes, en particulier dans cette région du globe, soumise à des cyclones tropicaux dont la puissance augmente avec les températures. S’il n’est pas possible, à notre échelle, d’enrayer cette progression, nous pouvons en revanche développer notre « Culture du risque », via deux leviers : d’un côté, l’amélioration de notre compréhension des risques climatiques et de leurs conséquences ; de l’autre, l’accompagnement des assurés en matière de prévention et l’augmentation de leur capacité de résilience.

Generali France est un assureur historique des Départements d’Outre-mer (DOM), où il exerce notamment à travers ses filiales GFA Caraïbes, dans les Antilles, et Prudence Créole, à La Réunion et à Mayotte. Nous avons pu observer que les DOM présentent une double singularité : ce sont les territoires les plus exposés et, paradoxalement, ceux où les cultures de l’assurance et de la prévention sont les moins développées. Ainsi, bien qu’ils cumulent souvent des risques liés à leur démographie (fortes densités de peuplement sur les zones littorales, subsistance d’un habitat précaire) et à leur géographie (tsunamis, ouragans, éruptions, séismes), auxquels s’ajoutent l’éloignement et l’insularité, seuls près de 50 % des ménages ultramarins ont souscrit une assurance alors que nous frôlons les 100 % d’assurés en Métropole.

Développer le recours à l’assurance dans les DOM est donc une nécessité. L’assurance est en effet le premier levier de résilience des populations. Mais encore faut-il, pour que le régime de mutualisation demeure soutenable, que les assureurs s’adaptent à la nouvelle réalité climatique.

Cela passe tout d’abord par le développement de notre compréhension des risques naturels et de leurs conséquences, afin d’être en mesure de les caractériser, en fréquence et en sévérité. C’est ce qui nous a poussé à mettre sur pied, il y a 5 ans, le Generali Climate lab, équipe composée d’actuaires, de data scientists, de climatologue, d’hydrologue et de géographe dont la mission est de cartographier avec précision les aléas naturels, mais également d’évaluer leurs conséquences potentielles sur les biens assurés.

Nous devons ensuite approfondir notre connaissance des territoires et de nos portefeuilles. Nous ne pouvons plus faire l’économie d’une géolocalisation fine des sites et des biens assurés. Suite au passage d’Irma, nous avons ainsi géolocalisé la totalité du portefeuille de GFA Caraïbes à la maille des coordonnées GPS.

C’est ce croisement entre connaissances scientifiques des aléas et géolocalisation des risques en portefeuille qui nous permet de faire évoluer, en toute connaissance de cause, notre politique de souscription et de tarification. Avec comme double objectif de garantir un haut niveau de maîtrise de nos risques et, ainsi, d’assurer à nos clients que nous resterons présents demain dans ces territoires d’Outre-mer particulièrement exposés.

Deuxième volet nécessaire au développement d’une véritable Culture du risque : la sensibilisation des assurés en général, et des ultramarins en particulier. Nous sommes convaincus que nous devons collectivement miser sur l’information et la responsabilisation des individus afin de leur donner les moyens de minimiser les dégâts éventuels et de leur permettre de prendre leur part dans la protection de leur famille et de leurs biens.

Même si les pouvoirs publics sont en première ligne pour mettre en place ces actions de prévention, il est de notre rôle de les accompagner. De nombreuses possibilités s’offrent à nous en la matière, certaines collectives, d’autres plus individuelles. A l’échelle d’un portefeuille, d’une ville, d’une région ou d’un pays, nous pouvons par exemple diffuser les bonnes pratiques en matière de construction durable ou les bons réflexes à avoir dans telle ou telle circonstance exceptionnelle. Nous pourrions également nous inspirer du « Hurricane day » américain, durant lequel, au début de la période des ouragans, les habitants des zones à risques se retrouvent pour nettoyer les alentours de leurs habitations et ramasser tous les objets extérieurs pouvant potentiellement devenir des projectiles.

En tant qu’assureur, nous devons enfin être en mesure de fournir à chaque client des informations personnalisées et des conseils de prévention appropriés en fonction des aléas auxquels il est exposé A ce titre nous avons déployé en 2018 le service Generali Prévention météo, qui alerte nos assurés de l’imminence d’un événement naturel d’ampleur dans leur commune, leur permettant ainsi de se mettre en sécurité et de protéger leurs biens.

Quelles que soient les solutions choisies, ce n’est qu’en développant durablement cette culture du risque que nous pourrons accompagner nos assurés et les aider à se préparer aux conséquences malheureusement attendues du changement climatique.

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