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Thomas Saunier : « Nous sommes entrés dans l’ère de la réforme permanente »

vendredi 25 janvier 2019
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TRIBUNE – Dans le cadre de notre magazine le bilan 2018 de l’assurance, Thomas Saunier, directeur général de Malakoff Médéric Humanis prend sa plume. Il revient sur l’année 2018 de l’assurance de personnes et se projette sur 2019.

L’année 2018 a été marquée par un important mouvement de concentration dans le secteur de l’assurance paritaire et mutualiste. Les rapprochements entre AG2R La Mondiale et Matmut, entre Macif et Aesio et entre Malakoff Médéric et Humanis ont été annoncés. De même que celui de CNP Assurances et de la Banque Postale. Ces annonces suivaient de peu la constitution fin 2017 du groupe Vyv, composé de 6 mutuelles santé dont la MGEN, Harmonie Mutuelle, la MNT, MGEFI, MMG et Harmonie Fonction Publique.

En peu de temps le paysage français des assurances de personnes a donc été complètement bouleversé. Il est encore difficile de décrire précisément ses nouveaux contours car certaines de ces opérations viennent juste d’entrer dans leur phase opérationnelle, mais d’autres ne seront effectives que dans quelques mois.

La course à la taille

Comment s’explique cette course à la taille, près de 20 après celle qu’ont connue les compagnies d’assurance traditionnelles françaises ? Non pas par la recherche d’un profit supérieur, car toutes les entités d’assurance concernées appartiennent à l’économie sociale et solidaire et sont à caractère non lucratif, à l’exception de CNP et Banque Postale qui font partie de la sphère para-publique.

Mais ces acteurs ont tous subi de plein fouet une multitude de réformes dans les années récentes : fiscalité, règles prudentielles avec Solvabilité 2, assurance santé avec les contrats responsables, la généralisation des complémentaires santé à l’ensemble des salariés et la fin des clauses de désignations mais aussi règlement général de protection des données (RGPD), directive sur la distribution d’assurance (DDA)… Et d’autres réformes sont encore à venir parmi elles le « 100% santé » avec le reste à charge zéro en optique, dentaire et audioprothèse, la loi PACTE, et la réforme des retraites avec des effets encore non prévisibles sur la prévoyance.

Bref, nous sommes entrés dans l’ère de la réforme permanente à laquelle s’ajoutent des mutations sociales, démographiques et économiques, en particulier l’arrivée du digital dans tous les moments de la vie des individus et des entreprises, l’allongement de la vie professionnelle, l’augmentation des dépenses de santé, le vieillissement de la population, la croissance des inégalités territoriales mais aussi la persistance des taux d’intérêt bas.

Les assureurs doivent s’adapter et investir

Face à tous ces changements, les acteurs de l’assurance paritaire et mutualiste doivent s’adapter vite et investir beaucoup. S’adapter pour mettre en conformité leurs contrats et leur organisation en conservant leur compétitivité ; et investir dans l’innovation, les technologies et les nouveaux services pour accroître leur performance, améliorer l’expérience client et renforcer l’utilité sociale qui a présidé à leur création. Les défis pour 2019 et les années à venir sont immenses mais les assureurs de personnes, les groupes de protection sociale et les mutuelles ont des atouts pour les relever. Dans le domaine de la santé, ils ont fait la preuve qu’ils savaient faire des choses que la Sécurité sociale ne savait pas faire en travaillant sur les contrôles, sur l’explication des parcours de soins et sur la prévention santé.

Deux initiatives prometteuses

Deux types d’initiatives semblent particulièrement prometteuses : agir au travers de réseaux de soins et proposer des services innovants aux entreprises pour améliorer le bien-être de leurs salariés. Dans les années à venir, les acteurs de l’assurance vont devoir systématiser l’accompagnement des entreprises dans le déploiement de dispositifs de santé au travail et de solutions de soutien pour les salariés en situation de fragilité.

Ces actions sont vertueuses à la fois pour réduire la sinistralité et les coûts, mais aussi pour diminuer l’absentéisme et donc agir sur la performance de l’entreprise. D’ailleurs, les chefs d’entreprises en sont désormais convaincus puisque, selon le baromètre santé et qualité de vie au travail de Malakoff Médéric Humanis, 74% des dirigeants en 2018 estiment que l’entreprise est légitime pour mettre en place des actions de santé pour les salariés, au-delà des obligations légales, alors qu’ils n’étaient que 56% en 2016.

Agir sur le rapport qualité/prix des soins

Les acteurs de l’assurance santé complémentaire devront aussi agir sur le rapport qualité/prix des soins. Le travail est très avancé en optique. Grâce aux réseaux de soins, et aux partenariats conclus avec les opticiens, il est possible d’atteindre un reste à charge zéro pour le client pour l’optique et environ 75% des cas pour le dentaire et les audioprothèses. Il va falloir aller plus loin d’ici 2020 comme nous demande de le faire la réforme « 100 % santé ».

Mais comment y parvenir efficacement sans élargir la possibilité pour les assureurs de contractualiser avec les professionnels de santé et comment mieux s’engager dans la prévention sans avoir un meilleur accès aux données de santé anonymisées ?

La réponse à ces questions aura des effets majeurs dans les prochaines années sur le développement de l’assurance santé en France et sur l’émergence de nouveaux services aux entreprises.

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